Les livres d’histoire sur le fascisme sont nombreux. Pierre Milza en a écrit de nombreux autour du concept et de Mussolini. Ici, c’est l’historien Frédéric Le Moal qui nous propose un ouvrage fort intéressant sur le sujet. Frédéric Le Moal est déjà l’auteur d’ouvrages sur Victor-Emmanuel III mais aussi sur le Vatican face aux dictatures.
Avec son dernier ouvrage, Histoire du fascisme, publié aux éditions Perrin, l’auteur se pose plusieurs questions. Qu’est-ce que le fascisme ? Fut-il un mouvement réactionnaire, conservateur ou révolutionnaire ? Se situait-il à gauche ou à droite ? Quelle place occupa Mussolini dans les débats idéologiques et dans le fonctionnement du régime ?
Le livre évidemment a pour but de répondre à toutes ces questions cruciales. Il porte aussi sur le fascisme un regard neuf et inhabituel chez les historiens français. L’introduction commence par définir ce qu’est le fascisme. La suite du livre ensuite est racontée de la prise du pouvoir de Mussolini jusqu’à sa mort, au travers d’une révolution avortée. Car oui, ce regard neuf vient de la volonté de l’auteur de réaffirmer le caractère totalitaire du régime mussolinien en replaçant l’idéologie qui le fonde dans sa nature révolutionnaire tout en le rattachant à la révolution française et au socialisme (qui est l’objet de la première partie).
L’auteur s’attarde alors sur chaque étape de cette révolution, du socialisme jusqu’à la république sanglante de Salo, au travers de différents chapitres nous montrant la normalisation de ce fascisme, la fascisation des italiens mais aussi la géopolitique du fascisme. Il nous montre aussi que si les fascistes cherchèrent à détruire par la violence la modernité libérale de leur temps, ce ne fut pas au nom d’un âge d’or révolu et dans une démarche passéiste mais avec la volonté farouche de construire une société et un homme nouveau.
On y découvre un Etat totalitaire qui se construit pas à pas avec une révolution institutionnelle au milieu des années 20, une économie qui se met progressivement au service de l’Etat et un fascisme qui s’infiltre dans le monde intellectuel. L’auteur nous montre bien aussi comment le fascisme plongea ses mains dans l’héritage de la Rome antique pour en extraire les valeurs, les références, les codes et les gestes dont il estimait avoir besoin pour son combat politique. Cette romanité va alors constituer pour le fascisme un modèle indépassable qui va irriguer l’ensemble de son œuvre et devenir source d’inspiration dans de nombreux domaines comme l’art, le modèle social ou la politique familiale.
En conclusion, l’auteur se demande jusqu’où aurait été le fascisme s’il n’avait pas été anéanti en 1945. Il se demande s'il aurait rejoint les deux autres régimes totalitaires dans l’échelle de l’horreur.
Avec son histoire du fascisme, Frédéric Le Moal nous propose donc une autre approche concernant l’essence du fascisme. Il veut nous montrer que Mussolini ne peut se dissocier du fascisme mais que le fascisme peut se dissocier de Mussolini. Le livre nous montre aussi certaines différences avec le nazisme notamment pour ce qui concerne la politique culturelle.
Pour lui, le fascisme est mort, n’en déplaise à ceux qui voient encore des fascistes à tous les coins de rue. Ce qui perdure par contre, c’est la volonté de remodeler l’être humain, de le transformer en fonction d’une idéologie, de l’émanciper de sa propre et inaliénable nature. Et alors là, on peut considérer que de nombreux hommes politiques actuels sont déjà fascistes. Sans donner leurs noms, on les reconnaîtra. |