Performance-solo écrite, mise en scène et interprétée par Bernadette Gruson. Belle et épatante révélation que cette perfomance-solo au titre aussi évasif qu'anodin par son renvoi à la polysémie du mot "chose" - "Quelque chose" - mais dont l'ambiguïté potentielle est levée sur scène avec une banderole festive et explicite annonçant "l'histoire du sexe et de l'amour".
Aussitôt pour les plus avertis, résonne un autre titre, "Le Mot et la Chose", celui du fameux poème libertin de l'abbé de Lattaignant. Et la référence s'avère pertinente dès lors que Bernadette Gruson, qui ne pourrait que se limiter à la représentation de l'éternel féminin, s'avère une "warrior", une militante de l'allégresse et de l'hédonisme.
Inspirée par la bande dessinée "Sex Story" du psychiatre-sexologue Philippe Brenot et de la dessinatrice Laeticia Coryn, elle propose une évocation libre et empreinte d'autofiction non seulement du sexe et de l'amour au fil des siècles mais également du plaisir féminin.
Elle a conçu une partition interactive - et participative (surprise, surprise) - placée sous le signe de la jubilation verbale assortie d'un humour impertinent, de l'exultation du corps et du slogan situationniste de Mai 68 "Jouir sans entraves", qui commence en forme d'accueil par une élégante et sexy jeune femme pseudo-conférencière de ce qui pourrait s'apparenter à un stage de coaching sur l'épanouissement personnel qui, sans ambages et au sens propre des termes, entre dans le vif du sujet.
Et, pour se promener dans un passé de deux millions d'années et dans son histoire personnelle, elle a élaboré une scénographie inventive avec un rouleau de carton ondulé agrémenté de pictogrammes dessinés à la bombe rose fluo, faisant notamment office de déroulé chronologique.
Passionnée de danse, formée au théâtre et à l'école transdisciplinaire du Samovar, Bernadette Gruson signe un opus qui fait la belle à la dramaturgie du corps, qui n'est pas sans évoquer ceux de son aînée la comédienne et circassienne Geneviève de Kermabon, et qui joue pour et avec le public.
Superbement caressée et magnifiée par les lumières de Priscila Costa, la blonde sylphide délivre un spectacle personnel, non formaté, si ce n'est à l'aune de son désir. Affranchi des sirènes mainstream, il s'avère intelligent et créatif, drôle et roboratif, militant, subversif et revendicatoire pour explorer les vertiges du plaisir, défier les interdits socio-historiques, soulever le poids de l'Histoire et briser la chaîne des déterminismes. Alors, oui ! Jouissons en reprenant l'antienne hugolienne*. |