Un monument au Café de la Danse ne se rate pas. Et ce soir l'occasion était trop belle pour la manquer. Voir John Cale, membre fondateur (avec le Lou ridé) du Velvet Underground, prêt à en découdre pour la sortie en octobre de Black Acetate, revient à résumer la joie présumée d'un baba sixties devant ses idoles. Impossible et imparable.
John Cale a la banane donc, et se paye le luxe d'un groupe de jeunes loups aux dents longues pour une salle remplie jusqu'à la gueule.
La tension qui monte, et les cigarettes qui voudraient bien s'allumer (Le concert est hélas non fumeur…), c'est la lumière qui s'éteint.
Pour laisser place à l'impensable… Un "Venus in furs" magistral en introduction, au violent lancinant et au rythme funèbre.
La foule comme un bloc qui salue l'événement à sa juste valeur et se projette 30 ans en arrière. La Factory, Andy Warhol, Nico et la poudre blanche...
Le ton est donc donné, et la voix de Cale, trafiqué comme une voiture volée, est parfaitement soutenue par un line-up impressionnant de maturité.
Loin de jouer la complaisance, John Cale enchaîne les nouveaux titres (Un "Outta the bag" sur lequel Brian Eno pourra saliver de nombreuses semaines..) et joue la carte du lo-fi électro aux relents new-wave. Tantôt Bowie, tantot Roxy music, John Cale reste John Cale, et parvient avec trois accords à lever une foule ("Sold Motel") puis enchaîner un titre aux claviers bidouillés et triturés en blues électro ("Hush").
Le public l'aura compris, le glas n'a pas encore sonné pour John Cale, qui restreint au minimum les reprises et anciens titres. Pour se concentrer sur l'essentiel.
Au diable les cheveux blancs et les traits tirés, le fondateur du Velvet tient la forme, harangue les fumeurs, boit du thé entre les perles du dernier album, puis annonce une chanson "parlant de son peintre préféré".
Le public saisit l'allusion, esquisse un sourire, et repense à "Songs for Drella", le magnifique recueil composé à la fin des 80' par Cale et Reed pour leur mentor Warhol. On est ici en famille, on se sent bien, et John pousse le vice jusqu'à singer la voix monocorde et blasé de Lou sur "Perfect", nouveau titre aux riffs primaires.
Multi-instrumentiste hors pair, John Cale échange guitare, pianos et violon avec une facilité aussi déconcertante que les notes décochées par son groupe...Le temps d'un rock version "Rock n roll animal", l'anglo-saxon se remet en branle et bouscule les préjugés : le rock peut donc vieillir comme une bonne bouteille, et se boire entre amis.
L'occasion en tout cas de dire un jour à sa progéniture que, oui, on y était à ce putain de concert… |