Agnès Desarthe a sorti un nouvel ouvrage lors de la rentrée littéraire et c’est presque un non – évènement tant on est habitué maintenant à avoir régulièrement entre nos mains un de ses ouvrages. Inutile de la présenter, Agnès Desarthe fait partie de ces auteurs dont on peut acheter ses livres les yeux fermés sans prendre le risque d’être déçu par sa lecture. Prix Renaudot en 2010, prix du livre Inter 1996 et prix littéraire du Monde en 2015, les livres d’Agnès Desarthe scrutent les étagères de toutes les librairies françaises depuis près de vingt ans pour notre plus grand plaisir.
C’est donc avec un immense plaisir que je me suis plongé, avec quelques semaines de retard par rapport à sa sortie dans le dernier ouvrage d’Agnès Desarthe, La chance de leur vie, publié une fois encore aux éditions de l’Olivier. Une fois encore, j’ai bien aimé et avalé les 300 pages de son dernier ouvrage.
L’histoire repose sur un couple de sexagénaires, parents d’un adolescent qu’ils ont eu sur le tard qui partent vivre aux Etats-Unis où une nouvelle vie les attend. Hector est professeur d’université et il vient d’être nommé professeur dans une université de Caroline du Nord. Sylvie, son épouse est une femme fragile, rêveuse et oisive. Leur fils, Lester est un adolescent précoce, particulièrement intelligent qui traverse une crise mystique. En même temps que l’on suit l’histoire de cette famille se déroulent des événements importants en France (avec les attentats du Bataclan) et aux Etats-Unis avec les élections présidentielles qui verront la victoire de Trump.
Très vite, le charisme d’Hector (et sa nationalité française qui plaît beaucoup) fait des ravages parmi les femmes qui l’entourent. Sylvie observe avec lucidité les effets produits par le donjuanisme de son époux tandis que son fils s’installe en guide spirituel pour un groupe de jeunes traversant la même crise mystique que lui.
Le livre est principalement construit autour du personnage de Sylvie, confirmant la capacité de l’auteur à construire des personnages complexes sources de réflexions multiples. L’auteur nous invite à réfléchir sur les liens du couple, sur son usure, sur l’infidélité, sur les relations mère-fils et sur les conséquences que peuvent avoir des évènements dramatiques (ici les attentats de Paris) sur des gens vivant à des milliers de kilomètres.
Chez Agnès Desarthe, chaque personnage semble suivre un double cheminement. Si les corps obéissent à des pulsions irrésistibles, c’est le cas de Sylvie, il en va tout autrement des âmes tourmentées par le désir, la honte et les exigences d’une loyauté sans faille. Sylvie n’est pas celle qu’elle laisse croire être. Elle n’est pas la femme timide ou ingénue que les autres pensent qu’elle est. Elle est réservée dans le sens où elle n’exprime que rarement le plus profond de ses pensées. Elle observe beaucoup et se pose de nombreuses questions sur tout. Et celui qui la comprend le mieux, qui arrive à décrypter le peu d’informations qu’elle envoie, c’est son fils.
Ce départ aux Etats-Unis, et la vie qui va avec, ce n’est donc pas seulement une question d’acclimatation dans un nouvel environnement et un nouveau pays, c’est aussi l’occasion de faire le point sur son couple et ses sentiments.
Agnès Desarthe nous raconte donc des choses de la vie que nombre d’entre nous ont sûrement connus sauf qu’elle nous les raconte avec humour et mélancolie, dans un livre plaisant qui, une fois de plus, ne nous déçoit pas. |