Caribbean Stories
(Gaya Music Productions) septembre 2018
"C’est une traversée. Pas à fond de cale. A fond de train parfois, Pourtant, elle commence tout en douceur. Comme pour apprivoiser les vents du large. Les notes du large. Si loin, si proche. C’est la magie de la Santería cubaine, du candomblé brésilien comme du vodûn haïtien ou béninois : entremêler l’ici et l’ailleurs. Ces Caribbean Stories sont autant d’histoires enfantées par l’Histoire au temps du Grand Chambardement. Selon toute vraisemblance, Samy Thiébault a perçu la plasticité de ces musiques. Elles varient. Elles crient rarement, elles soignent leurs racines géographiques autant qu’elles entretiennent leurs branches culturelles, bien moins cependant qu’elles ne témoignent des coups et des soubresauts qui les ont fait naître, du gouffre dont elles viennent, du bord de gouffre qu’elles ont assidûment fréquenté, à leur corps défendant. Du chaos qui leur a donné substance. Et d’une sérénité grondante". Christiane Taubira
Effectivement, ce disque est une véritable traversée, autant géographique entre l’Europe, la France et les Caraïbes, que temporelle entre le présent et le passé ou les racines du jazz. Mais une traversée qui se ferait dans un temps arrêté, comme dans une autre dimension, ou les lignes seraient distordues.
Le saxophoniste et flûtiste Samy Thiébault ne mélange pas le jazz moderne Européen au jazz créole. Il ne le confronte pas plus qu’il ne le rapproche. Il revient aux sources, raconte cette musique créole et la remet en perspective. On y perd souvent son latin : est-ce du calypso, un bolero, un chachacha ? Sommes-nous au Venezuela ? A Porto-Rico, à New-York ou à Paris ? La multiplicité semble infinie ou presque. Il y a quelque chose qui dépasse la simple relecture, quelque chose de plus profond, que l’on retrouvait déjà dans son disque sur The Doors (A feast of friends), comme une renaissance pour le saxophoniste.
Ça balance, ça tangue rythmiquement, harmoniquement comme mélodiquement, c’est aussi dansant que mélancolique, politique ou méditatif et l’ensemble, Samy Thiébault est accompagné de Felipe Cabrera (contrebasse), d’Arnaud Dolmen (batterie), Hugo Lippi et Ralph Lavital (guitares) et Fidel Fourneyron (trombone), Inor Sotolongo (percussions), comme autant de points cardinaux (Angleterre, Guadeloupe, Cuba et Martinique) est en totale harmonie. Samy Thiébault y est bien plus qu’à son aise, il semble transcendé (et en est d’autant plus impressionnant) par toute cette musique.
Décidémment ce mois de janvier est bien triste pour la culture. Marianne Faithfull a tiré sa révérence et c'est encore un peu de tristesse qui s'ajoute à celle plus globale d'un monde tordu. Il reste la culture pour se changer les lidées. Retrouvez-nous aussi sur nos réseaux sociaux !