Réalisé par Virgil Vernier. France. Drame. 1h42 (Sortie 31 octobre 2018). Avec Dewi Kunetz, Hugues Njiba-Mukuna, Sandra Poitoux, Bruck et Lilith Grasmug.
Pour l'heure, Virgil Vernier appartient au cercle très fermé des réalisateurs pas encore connus mais prometteurs, dont on n'oublie jamais les films, qui laissent des traces, des petits cailloux qui s'accumulent pour dire qu'on est devant quelqu'un qui va compter.
Depuis "Orléans" où une danseuse de Pole Dance finissait par être le double de Jeanne la pucelle, et les "Mercuriales" où tout un monde se dessinait autour de deux jeunes filles autour d'un Hôtel Mercure, il trace un sillon singulier qu'on ne peut pas vraiment qualifier, ni rapprocher d'autres cinéastes, à part bien entendu le très commode Michelangelo Antonioni.
Avec "Sophia Antipolis", Virgil Vernier vient sans doute de dévoiler toute l'ampleur de son cinéma. Véritablement, il s'empare, s'approprie un lieu jamais mis en avant et qui n'a pas une identité claire. Pôle scientifque où se sont établies des entités et des entreprises pratiquant la recherche, Sophia Antipolis pourrait être une petite "Silicon Valley" à la française. Mais c'est aussi un regroupement de communes, dans laquelle il y a une vie, des habitants, qui existent dans un univers urbain vide et futuriste.
"Sophie-Antipolis" de Virgil Vernier est en quelque sorte un chant documentaire décrivant cet endroit étrange d'où peut surgir une espèce de fantastique banal et dans lequel des événements qui s'y passent sans qu'on les soupçonne sont peut-être le laboratoire de ce qui se généralisera bientôt partout.
Climat bizarre de lampadaires allumés dans des nuits silencieuses, présence angoissante de vigiles organisés en troupe paramilitaire, possibilité de faits divers sans solution et sans mémoire, tout ici paraît irréel et pourtant inscrit dans une routine futuriste.
Virgil Vernier aime raconter des histoires, ou plutôt des bouts d'histoires, qui semblent pouvoir s'imbriquer entre elles et qui souvent n'embraient pas, comme une mayonnaise qui ne voudrait ou ne pourrait pas prendre.
Dans "Sophia Antipolis", on suit en filigrane le destin d'une jeune fille promise au néant. On voit des petites filles noires encore pleines d'espérance d'avenir. On perçoit des solidarités et l'on sent une espèce de menace montante incarnée par ces justiciers autoproclamés qui "nettoient" cette zone blanche de tout migrant ou SDF.
Le cinéma de Virgil Vernier n'est pas revendicatif ni moralisateur. Il veut montrer, dit-il, "ces choses qu'on ne voit pas". Il n'y met aucune ostentation et ne cherche pas les paradoxes faciles.
Il faut pourtant espérer que son cinéma sera bientôt lisible par tous et pourquoi pas dès ce film qui est vraiment une expérience hors du commun.
"Sophia Antipolis" de Virgil Vernier annonce un cinéaste dont la thématique s'affirme autant que la vision à chaque nouveau film. Il ne faut pas attendre qu'il reçoive une récompense en "or" pour se familiariser avec un cinéma si personnel qu'il sera très vite de l'ordre de l'évidence dans ce qu'il aura montré et décrit de la modernité. |