Ce que j’aime dans les livres de Jean Sévillia, au-delà de leur contenu, c’est qu’ils ont à chaque fois la propension à ouvrir le débat et à faire réfléchir. Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Jean Sévillia est un journaliste, essayiste et historien particulièrement érudit, auteur de nombreux ouvrages superbement écrits et particulièrement intéressants comme Le terrorisme intellectuel, Historiquement correct et Historiquement incorrect.
Avec son nouvel ouvrage, qui vient de sortir chez Fayard, Jean Sévillia se lance dans un sujet compliqué, sujet à de nombreuses controverses, la Guerre d’Algérie. Une question se pose à ses yeux. Plus d’un demi-siècle après l’indépendance de l’Algérie, est-il possible de raconter sans manichéisme et sans œillères la guerre au terme de laquelle un territoire ayant vécu cent trente ans sous le drapeau français est devenu un Etat souverain ?
Pour l’auteur, la conquête et la colonisation au 19ème siècle, le statut des différentes communautés au 20ème siècle, le terrible conflit qui ensanglanta l’Algérie et parfois la métropole de 1954 à 1962, tout est matière, aujourd’hui, aux idées toutes faites et aux jugements réducteurs. Jean Sévillia fait donc le choix d’affronter cette histoire telle qu’elle fut : celle d’une déchirure dramatique où aucun camp n’a eu le monopole de l’innocence ou de la culpabilité, et où les Français et Algériens ont tous perdu quelque chose, même s’ils l’ignorent ou le nient.
Au début de son ouvrage, Jean Sévillia présente ce qu’il appelle l’historiquement correct à la manœuvre concernant la Guerre d’Algérie. Pour lui, l’histoire de ce conflit est déformée par des clichés, des préjugés et des a priori idéologiques. L’ensemble repose sur des anachronismes, une forme de réductionnisme, des mensonges par omission, du manichéisme, des indignations sélectives et de nombreuses occultations. Le but de son ouvrage est alors de nous présenter une synthèse de cette guerre qui échappe aux travers dénoncés précédemment.
Jean Sévillia nous déroule alors l’histoire de ce conflit de façon chronologique, débutant par le temps de la conquête au 19ème siècle, puis la mise en place des trois départements. Il nous raconte ensuite le développement du nationalisme algérien au début du 20ème siècle, les tensions qui l’accompagnent, la Toussaint Rouge puis la bataille d’Alger. Il revient aussi sur l’affaire Maurice Audin, dont on a entendu reparler récemment suite à la décision de notre président de reconnaître que la France avait procédé à sa torture et son assassinat. L’auteur évoque la quatrième république qui tombera pendant le conflit, l’action du Général de Gaulle, le FLN, l’OAS, les accords d’Evian et l’après accords d’Evian avec les pieds noirs, les harkis.
Vous l’avez donc compris, dans son nouvel ouvrage, l’auteur n’épargne personne et le titre de son ouvrage illustre parfaitement le contenu du livre. Il nous propose une superbe synthèse de cette histoire débarrassée de ses repentances et de ses bons sentiments.
Il revient avec brio sur les grands épisodes de cette guerre intestine, compare les chiffres existants sur ce conflit, démasque la propagande de tous bords et replace la cruauté de cette guerre dans le contexte de l’époque. Il nous dépeint un conflit complexe, non manichéen avec des salauds et des braves, situés dans les deux camps. Et en même temps, il souligne aussi les enjeux contemporains de ce conflit.
Alors voilà, une fois encore, j’ai pris plaisir à lire un nouvel ouvrage de Jean Sévillia. Les vérités cachées de la Guerre d’Algérie est donc un excellent ouvrage sur un conflit dont on n’a pas fini d’entendre parler. |