Tout Bleu
(Les Disques Bongo Joe / L'Autre Distribution) novembre 2018
Parfois, le problème des musiques dites expérimentales est la conscientisation sans explication ou but esthétique (mais est-ce une finalité ?) de cette musique et la non compréhension du geste sonore, de l’esthétique par l’auditeur.
Apprécier ce genre de musique, la goûter à sa juste valeur demande une écoute active, un véritable travail intellectuel et émotionnel. Comprendre pourquoi on aime ce genre de musique passe aussi par comprendre comment on peut la rejeter, puisque tout n’est pas simplement affaire de goût, d’affect ou de subjectivité. Les musiques expérimentales qui, de fait, par effet de levier de rattrapage culturel ou temporel, tendent inexorablement vers l’underground puis le mainstream questionnent des langages, des référents esthétiques, une organisation sociale et culturelle. De par leurs envies de se projeter autrement musicalement et par ses questionnements, ces musiques deviennent forcément des objets politiques et sociaux jusqu’à leur façon de se démarquer, productrices elles-mêmes de valeurs que l’on pourrait parfois juger discriminante.
Ce disque est le projet solo de Simone Aubert, chanteuse et batteuse du duo Hyperculte et guitariste de Massicot, fruit d’une carte blanche à la Cave 12, institution genevoise des musiques expérimentales. Projet solo qui a évolué vers une formation à plusieurs avec le musicien genevois POL à la production, aux arrangements et au mixage, la violoniste Agathe Max, avec le percussionniste Nicolas Stücklin et une mise en image par Delphine Depres.
Les formes si elles rappellent les musiques électroniques ou répétitives, la new-wave, Père Ubu, des chanteuses comme Brigitte Fontaine ou Catherine Ribeiro sont exigeantes. Minimale tout autant que tribale, étrange, diphonique, jouant avec les modes et les dissonances, cette musique joue à cache-cache, tournoie, semble se rebeller continuellement. Faite de boucles, de nappes, d’éléments transcendantaux, d’une guitare, d’un pédalier basse et de nombreux effets, ce disque est comme à prendre ou à laisser. Pourtant, c’est un univers, une nébuleuse plutôt sombre et envoûtante dans lequel il faut se plonger, dans lequel il faut s’attacher aux détails (rythmiques, mélodiques, harmoniques, électroniques, politiques) au risque sinon de rester sur le bas-côté. Et cela serait dommage.
# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil
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