Textes de Jehan-Rictus dits par Pierre-Yves Le Louarn dans une mise en scène de Michel Bruzat.
Une voix dans la noir. Elle vient de sous cet abri enneigé d'où apparait bientôt une silhouette. L'homme est là. Hirsute, les yeux bouffis et surtout le coeur gros.
Il raconte. La misère, la sienne et celle de ses frères. Et passant de l'espoir à la déception la plus profonde, décrit le spectacle de l'indifférence auquel il assiste, jour après jour avec lucidité dans le plus profond dénuement.
Il regarde les hommes mais aussi les chiens et les maisons, rêve de celle qu'il aurait dans un monde idéal, une grande "Maison" pour loger tous ses "frères" d'infortune, avec des "mamans" pour s'occuper d'eux.
Pierre-Yves Le Louarn dans toute sa simplicité et toute sa sincérité de jeu nous bouleverse aux larmes dans un texte essentiel qui résonne aujourd'hui par son humanité, plaidant pour un monde plus fraternel. Fraternité, un mot qui semble pourtant hélas aujourd'hui tellement incongru...
Avec l'appui précieux de
Sébastien Debard à l'accordéon dans une écoute discréte autant qu'active et dans les lumières fine du grand
Franck Roncière , le comédien parvient à nous faire rire et pleurer tout à la fois.
Michel Bruzat , avec la précision qu'on lui connaît, réalise une direction parfaite pour faire entendre la langue si particulière de
Jehan-Rictus dans ce texte paru en 1897, qu'il parvient à rendre d'une clarté et d'une modernité étonnantes.
Ce moment de grâce laisse le spectateur hébété avec un surcroît de conscience, l'alertant qu'autour de son monde hyper-connecté, subsiste une réalité indigne qui s'est hélas banalisée et qu'il ne voit même plus.
"Les Soliloques du pauvre " sont plus d'un siècle après avoir été écrits, un cri d'alarme nécessaire et poignant. Un phare dans la nuit.
Merci à Michel Bruzat pour porter, spectacle après spectacle, des paroles essentielles dans un monde qui va à sa perte.
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