C’est aussi la rentrée d’hiver pour les éditions Sonatine et on peut déjà dire que les premières publications de l’année 2019 sont pleines d’espoir pour les ouvrages qui seront publiés dans le courant de l’année. Les sorties 2019 laissent entrevoir de superbes publications que je prendrai grand plaisir à lire et à chroniquer sur le site. La première sortie de l’année, L’empreinte, est en cours de lecture, et je vous en parlerai très rapidement, très longuement aussi car c’est un ouvrage assez fascinant.
La deuxième publication de l’année est celle d’un auteur bien connu pour ceux qui suivent avec intérêt le catalogue des publications de Sonatine. Michael Farris Smith est donc de retour avec un nouvel ouvrage, Le pays des oubliés, deux ans après Nulle part sur la terre.
Vivant à Oxford, dans le Mississippi, professeur d’anglais, il a vécu en France et en Suisse. Très rapidement, il s’est imposé comme la voix des exclus, des survivants, des combattants, de l’Amérique violente et misérable. Son écriture est poétique, oscille entre ombre et lumière, dans la lignée de celle d’auteur connu et reconnu comme Cormac Mac Carthy.
Ses histoires, l’auteur va les chercher chez les oubliés du rêve américain, ces êtres à la vie cabossée auxquels on s’attache avant de définitivement les adopter tant ils peuvent nous toucher. Dans Le pays des oubliés, l’auteur nous raconte l’histoire d’un certain Jack Boucher.
Jack a été abandonné à la naissance, il est passé d’orphelinats en foyers avant que Maryann, une femme célibataire, lesbienne, le prenne sous son aile. A dix-sept ans, il la quitte et devient une légende du combat à mains nues.
Aujourd’hui, Maryann vit ses derniers jours dans un hospice et sa propriété est menacée par les banques. Jack, qui veut à tout prix conserver cet héritage, doit trouver l’argent nécessaire. Mais détourné par un joueur sordide, il perd en une nuit l’argent qu’il avait gagné au jeu et qui devait le libérer de sa dette envers Big Momma Sweet, la reine du vice du delta du Mississippi.
Le corps et l’esprit brisés par une vie de combats violents, ravagé par des commotions cérébrales répétées et ses addictions à l’alcool et aux analgésiques, il ne se sent plus la force d’avancer. Pourtant, un sauveur se présente sous la forme d’Annette, une artiste tatouée qui se produit dans les fêtes foraines et qui le guidera vers une sorte de salut. Blessé par le regret, handicapé par vingt-cinq ans de poings et de coudes, le cœur brisé par ses propres trahisons, Jack va se rendre malgré tout, une nouvelle fois dans la fosse pour un ultime combat.
C’est donc un récit noir et violent que nous propose Michael Farris Smith, une odyssée dans les tréfonds de la condition humaine, dans ce qu’elle a de plus sordide, au milieu des addictions, du sang et de la sueur. Jack est un personnage qui cumule les mauvais choix et la malchance qui le mènent petit à petit vers la déchéance. Son parcours cabossé et chaotique nous est merveilleusement décrit par la plume pleine de poésie de l’auteur.
Ecrivain des maux, Michael Farris Smith nous offre en même temps de superbes descriptions de son environnement, la région du Mississippi. J’ai beaucoup pensé au dernier ouvrage de David Joy en lisant ce livre, j’ai retrouvé cette écriture instinctive (même si elle est moins littéraire que celle de David Joy) mêlant tendresse et humanité au milieu de noirceurs profondes.
Alors comment ne pas s’attacher à ce personnage principal, comment ne pas tomber d’affection devant Annette, une femme tatouée éprise de liberté qui vit au jour le jour. Pour eux, le rêve américain est bien loin et son absence demeure une source inépuisable pour des auteurs qui continuent de nous émerveiller par des romans noirs sociaux qui n’ont rien à envier à certains thrillers. |