Montage dramatique de Florence Perrier, mise en scène de Déborah Coustols-Chatelard, avec Florence Perrier et François Rabette. Un homme et une femme, sans chabadabada lelouchien, une rencontre éphémère, un éblouissement pour chacun d'eux mais dans des registres incompatibles.
Pour elle, qui se définit comme elle se définit comme "une âme errante", c'est le miracle de l'amour avec un A majuscule synonyme d'union des âmes, l'amour absolu, mystique et idolâtre pour celui qu'elle nomme "mon feu" "son astre" au regard de dieu qui constitue sa source vitale.
Mais pour lui, écrivain dont la vie est un matériau littéraire autofictionnel, c'est la découverte d'une femme fantasque vivant d'expédients qu'il considère comme un personnage éminemment libre et romanesque tant il la sublime, mais sans affect, comme "un génie libre", "un esprit de l'air", qui excite sa curiosité.
Pour relater, sous forme de "rencontre recréée", cette histoire d'amour unilatéral, qui finit nécessairement mal, une histoire vraie, celle de André Breton et Nadja, la comédienne Florence Perrier a élaboré une partition à deux voix par le procédé du découpage/collage/montage à partir du roman "Nadja" du poète et écrivain surréaliste et des lettres de la jeune femme.
Et elle va au-delà de la simple mosaïque pour opérer un conséquent et judicieux travail combinatoire des temporalités - alors même que l'opus se développe de manière chronologique - que soutient la mise en scène de Déborah Coustols-Chatelard avec un sens aigu des déplacements dans l'espace sur un plateau nu à l'exception d'une table et de deux chaises.
En effet, cette "autopsie d'une rencontre" révèle comment l'une est dans le présent instantané alors que l'autre se situe dans la mémorisation quasi objective de la création littéraire et dans le récit et son titre - "Pourquoi dis, m'as-tu pris mes yeux ?" - qui se réfère à une anecdote de Nadja qui otait les yeux des poupées pour scruter ce qu'ils cachaient, résume bien l'instrumentalisation et la vampirisation de l'homme-écrivain dont celle-ci était consciente.
Au jeu incarné, un duo époustouflant pour dispenser ce délicat et singulier pas de deux des corps et des mots : François Rabette, regard magnétique du séducteur-prédateur, douceur de la belle gestelle des mains et intransigeance brutale pour éconduire celle devenue importune, et Florence Perrier, incarnation lumineuse, même quand des nuages obscurcissent le regard de Nadja, funambule du flux de pensée et éblouissante comète dans le ciel de la passion.
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