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La possibilité d'une île 

Michel Houellebecq m'emmerde.

J'aime bien Michel Houellebecq.

Oh, pas autant que Paul Auster ou Mark Danielewski, mais j'aime bien Michel Houellebecq quand même.

Un peu plus que Maurice G. Dantec

Mais voilà : Michel Houellebecq, au contraire du frater Dantec, m'emmerde. Pour être plus exact : ce qu'il écrit m'emmerde. Pas au sens péjoratif. Quand je le lis, j'ai honte pour tout ceux dont il décrit la petite vie de nase.

Mon voisin de palier.

Mes collègues.

Mes copains.

Putain j'ai les boules.

J'ai encore plus la haine quand je pense à ceux qui le lisent, plein coeur de cible, qui rigolent et qui ne comprennent même pas que c'est d'eux qu'il s'agit.

Heureusement que les journalistes interviennent, pour que l'amertume se dilue.

Pour cela rien de bien compliqué, on l'a déjà vu, entendu et lu, la recette est simple : on accole un tas de mot au nom propre de Michel ("Vous permettez que je vous appelle Michel ? ") pour atténuer l'impact. Ainsi on protége l'infatué quadra, le déboulonné cinquantenaire, c'est à dire celui qui fait marcher le système, celui qui a la foi en ce système, celui qui a le blé, de la véracité des analyse de l'écrivain.

Michel Houellebecq, prophète.

Michel Houellebecq, Zarathoustra, etc.

Ca sonne bien.

Pour les médias, Michel Houellebecq est un gourou fréquentable, à la réputation quelque peu sulfureuse certes, mais un leader qui s'exprime dans notre langage et notre style, utilise nos références culturelles à merveille – rock, cinéma, SF, et écrit dans un style familier – grosso modo celui d'un chroniqueur télé aux Inrocks avec quelques mots empruntés au vocabulaire précieux des deux Alain, Minc et Finkelkraut, mélangé à une pincée de Lovecraft ou de Howard, pour que la pilule s'avale sans difficultés.

Côté idées, eh bien côté idées, on peut dire qu'il n'apporte pas grand chose : une déclinaison, tout au plus, une application au cas franco-européen d'idées énoncées outre-Atlantique implicitement depuis les années 70 et plus explicitement depuis la fin des années 80, mixé avec une louche de SF.

Michel Houellebecq n'invente presque rien, il met en oeuvre. Il pratique le métier pour lequel il a été formé, c'est-à-dire celui d'ingénieur et applique studieusement des théories qu'on annonce ailleurs. Et il le fait bien.

Forcément quand on brosse un tel portrait du messie médiatico-littéraire alors le lecteur se dit que ça sent le souffre. Et il a raison.

Michel Houellebecq, prophète ?

On nous le répète partout : issu de la classe moyenne, enfance banale, normale, comme ses lecteurs, titulaire d'un diplôme qui lui garantit une certaine confiance face aux autres, Michel Houellebecq place ses romans au sein d'une classe moyenne, toute surprise que "la vraie vie, putain, ce n'est pas pareil que dans Pif Gadget". Ben, oui.

Ceci lui garantit au passage un clientélisme d'une envergure exceptionnelle, d'où la nécessité d'utiliser un style que tout le monde reconnaît – celui des critiques des programmes TV pour intellos, comme Télérama par exemple.

Mais voilà : l'ensemble des médias, les hommes politiques et 95% de le population veulent vivre, baiser, profiter des immenses possibilités que nous offre la merveilleuse ère qui s'ouvre devant nous, celle de la société du loisir.

Cette majorité voudrait lui dire, à Houellebecq, lui expliquer, le convertir : "Mon brave, vous êtes doué… c'est pas vrai tout ça, c'est des histoires", notre "société n'est pas aussi pourrie", "On va s'en sortir, allez, mon petit Michel, reprenez espoir !".

Mais Michel Houellebecq n'est pas fou : pourquoi cesser de mordre la main qui vous nourrit quand cela ne l'empêche pas de vous approvisionner ?

Alors il continue.

Ca peut énerver.

Seul les 5% de la population restante sait que notre civilisation est sur le déclin – et ce de manière évidente, il suffit de regarder – et que cela va mal finir.

Ceux-là s'en tapent de Houellebecq et le mettent à sa place : celle d'un divertissement, d'un énième produit culturel, qu'on place sur l'étagère Habitat juste entre les disques des Rolling Stones et les bouquins d'Amelie Nothomb (2), même si là aussi ils se trompent.

Comme Houellebecq, Maurice G. Dantec annonce la fin. Mais Dantec , lui n'a pas choisi le bon camp, celui du plus grand nombre ; il s'est mis à la marge.

Michel Houellebecq, Zarathoustra ?

La raison du succès de Michel Houellebecq tiendrait à ce que tel le sage de Nietzsche, il se détache de la société, l'analyse et revient périodiquement nous "expliquer" le sens de ce qui

se déroule devant nos yeux.

Rien n'est moins faux.

Alors que le sage nietzschéen s'éloigne de la société, s'isole en anachorète, Michel Houellebeq n'est pas hors de la société, bien au contraire, il y baigne en permanence se nourrissant de sa substance, qui se réduit de plus en plus à une peau de chagrin.

De même, à l'opposé de Zarathoustra, Michel Houellebecq n'est pas hors du système en fait, il est dans le giron du système, comme l'a clairement montré l'affaire de son transfert, entre autre,. Et c'est pourquoi il peut constituer le parfait reflet d'une société dont les éléments sont incapables de prendre du recul, de porter un oeil critique, d'analyser.

C'est là qu'il faut rechercher la clé du succès de Houellebecq –et aussi ses qualités- : il parvient à énoncer clairement ce que beaucoup –en particulier ceux qui ont la même culture que lui – perçoivent confusément. Cette fois encore, ça peut énerver…

Miche Houellebecq syncrétise une écrasante majorité de notre société dans notre époque.

Alors cette "Possibilité de l'île" ?

Et les boiteux marcheront. Et les aveugles verront. Et les morts ressusciteront.

Il n'y a rien de bien nouveau, dans le fond, encore une fois, même si ce texte est indubitablement à clefs (j'en ai dénombré trois pour l'instant), ce qui le fait sortir des ornières..

Les références à Van Vogt ou au "Meilleur des mondes", y compris le deuxième tome sont évidentes, celles à la bible, en particulier au nouveau testament se distinguent en filigrane.

Alors que Dantec suit les écritures à la lettre, Miche Houellebecq se mue en exégèse ; il propose sa version de la vie éternelle, le graal des chrétiens, tente de donner un sens nouveau aux prophéties, comme l'ont fait avant lui bien d'autres (3).

Dans la forme, c'est tout autre.

Bien sûr, il s'agit de passer outre toutes les médisances, tous les navrants énoncés qu'ils ne prend même plus la peine de prouver.

Bien sûr la structure n'est pas inédite.

Mais Michel Houellebecq construit un roman qui dépasse de loin tous ces concurrents, tous ses précédents textes ; ses envolées poétiques, lyriques sont de toute beauté. Houellebecq touche enfin au domaine de la littérature . A la fin de la lecture, on se sent apaisé, rasséréné.

Ce livre est une merveille, une oeuvre d'art.

 

(1) On peut certainement expliquer l'intérêt que notre homme porte aux raéliens par la nécessité qu'a Houellebecq de rechercher une source d'inspiration qui soit dans le ton qu'il s'est donné depuis Les Particules. Alors forcément, quand on a épuisé la rhétorique du "Meilleur des mondes", d' "American Psycho", de Stephen King, Lovecraft, j'en passe et des meilleurs, il faut creuser, parfois, où ça ne sent pas bon. Son flirt avec la secte est sans conséquence pour lui ; sa clientèle qui, rappelons-le – partage sa culture et se trouve familière de théorie mystico-fictives à la Herbert, Asimov ou Star Wars.

(2) Qui a repris la série Martine à son compte. Après "Martine à la plage", "Martine et le père Noël", son dernier bouquin "Acide sulfurique", c'est tout bonnement "Martine à Auschwitz".

(3) D'où certainement le changement du prénom : Michel est l'archange, le premier et même Houellebecq sait qu'il n'ait ce messie alors il choisit le prénom de Daniel, celui du prophète le plus inspiré de l'ancien testament. Cela peut aussi, au passage, indiquer que le vrai Michel existe pour Houellebecq et qu'il l'a rencontré.


Olivier K         
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