Il y a un point sur lequel l’ensemble du petit monde des mots et des lettres est unanime : le pari est osé. Reste à savoir s’il est relevé. Après s’être badigeonné à l’encre de Guy de Maupassant, Harold Cobert propose une suite à son Bel-ami dans Belle-amie que voici.
Bel ami, c’est Georges Duroy, un ancien sous-officier sans autre talent que celui de faire chauffer la mastercard et séduire les femmes. Opportuniste à souhait et briseur de ménage, Duroy se marie finalement avec une richissime héritière : Suzanne Walter. Et c’est là que commence Belle-amie. Duroy se fait désormais appeler Du Roy De Cantel, il est toujours aussi snob et infidèle, et rêve toujours de gloire électorale. Damned Trump inside.
"Les ambitieux de son espèce n’aiment pas qu’on leur rappelle leurs faiblesses".
On pourrait facilement détester le personnage, mais non, Georges a ce quelque chose d’attachant, ce regard cynique porté sur lui-même, cette affection à la perfection, cette manière de vouloir toujours plus, toujours mieux. Il est un grand rêveur. A l’image de Maupassant.
De magouilles en bidouilles politiques, de ronds de jambes en joutes verbales, des discours et des phrases toutes faites, des femmes conseillères dans l’ombre, les ingrédients d’une fresque politique sont là. Du Roy brigue un poste de député dans son canton, et puisque la fin justifie les moyens, il emprunte les sinuosités de la chose : il promet, sourit, s’incline, casse et encense.
Pas facile d’emprunter la plume de Guy sans lui faire des enfants dans le dos, Harold Cobert réussit toutefois à nous faire oublier le Duroy originel pour nous dérouler un Du Roy De Cantel plus vrai que nature, à croire que Monsieur Guy est dans sa peau. Nous reconnaissons aisément la puissance de l’argent et ses liens avec l’accès au pouvoir au XIXème siècle. Pas si éloigné de nos sociétés encanaillées se débattant avec la bienveillance et le quinoa sans sel.
Amis de la finance, si vous aussi considérez que la loi c’est pour les autres, si la politique est un jeu et le pouvoir un graal en forme d’écharpe transversale, Belle-amie est fait pour vous. Si vous aimez les courtisans, les guêtres et les robes impossibles à boucler, les crinolines et les prénoms sans diminutif, Belle-Amie vous sera agréable à la détente. |