C’est un mélange de tristesse et de bonheur qui nous accompagne une fois les dernières pages du livre de Jane Smiley tournées. Bonheur d’avoir parcouru une très grande saga littéraire, de posséder un ensemble de trois superbes ouvrages qui siégera en bonne et due place dans ma bibliothèque aux côtés d’autres livres que j’aime profondément. Tristesse enfin car avec Notre âge d’or, Jane Smiley nous offre le dernier tome du formidable saga, un siècle américain, débutée avec Nos premiers jours et Nos révolutions qui viennent de sortir en poche chez Rivages.
Jane Smiley a consacré plusieurs années pour rédiger cette saga, Un siècle américain construit autour de l’histoire d’une famille, Les Langdon, du début des années 20 jusqu’à aujourd’hui. Dans Nos premiers jours, on découvrait Walter et Rosanna Langdon qui caressaient le rêve de posséder leur ferme pour avoir un giron protecteur où fonder une famille. C’est sur les terres sublimes de l’Iowa qu’ils vont s’installer, construire une famille.
La saga débute dans la première moitié du 20ème siècle pour se terminer au début des années 50.
On voit leur premier enfant naître dans le tourment de la Grande dépression qui s’abat sur les États-Unis et on plonge dans l’univers quotidien d’une exploitation agricole.
Et en même temps, Jane Smiley nous fait traverser la grande Histoire au cœur de sa petite histoire rurale avec la Seconde Guerre mondiale, la chasse aux communistes mais aussi des phénomènes de société comme l’exode rural qui touche les États-Unis.
La famille se construit dans cette première partie, autour d’enfants que l’on va retrouver dans les tomes suivants.
Dans le deuxième tome, Nos révolutions, le patriarche n’est plus et c’est surtout autour de ses enfants que l’on va traverser une période allant des années 50 jusqu’au milieu des années 80.
Joe, le frère cadet décide de reprendre l’exploitation familiale quand ses frères et sœurs souhaitent prendre leur liberté pour aller s’installer dans des villes importantes comme New-York et San Francisco.
Nos révolutions traverse des vagues d’émancipation ou de renoncement intimes avec, pour toile de fond, l’élection de Kennedy, la guerre du Vietnam et la libération sexuelle.
Et voilà donc que vient de sortir l’ultime tome de cette formidable saga, Notre âge d’or. C’était un rêve, presque une utopie : en 1920, Walter et Rosanna Langdon voulaient bâtir une ferme prospère dans l’Iowa autour d’une famille. Que reste-t-il de leur ambition quelques décennies plus tard ? Les joies et les peines ont accompli leur œuvre. Les guerres et la lame de fond de l’Histoire aussi.
Notre âge d’or commence à la fin des années 80. Un ancien acteur de cinéma, Ronald Reagan, s’apprête à devenir président des États-Unis. Le métier d’agriculteur n’est plus un idéal : on préfère être député ou loup de Wall-Street. L’auteur nous dévoile dans cet ultime tome une Amérique remplie de paradoxes où le cynisme triomphe. Une fois encore, c’est au travers du prisme de cette famille que l’on voit l’Histoire américaine défiler.
Avec Notre âge d’or, Jane Smiley clôt de la plus belle des façons cette saga entamée depuis plusieurs années. L’immense travail de traduction de Carine Chichereau est aussi à noter quand on sait que l’ensemble des trois tomes fait plus de deux mille pages.
Jane Smiley est une immense romancière. L’idée de suivre une famille sur un siècle était d’une grande audace et d’une grande ambition. Le pari est totalement réussi. Son découpage, à la fois simple et efficace, un chapitre par année, plus ou moins long, autour de points de vue différents permet de suivre avec passion cette famille rurale.
Jane Smiley porte un regard sensible sur chacun des personnages qui font corps avec la nature et l’histoire de leur pays. L'écriture sobre et précise de l’auteur nous rend compte du quotidien de cette famille et de l’Histoire américaine.
Cette trilogie américaine est superbe, de bout en bout et ne s'essouffle jamais. On est presque triste de quitter cette famille attachante qui nous aura accompagnés le temps d'un moment littéraire de très grande qualité. |