Comédie dramatique écrite et mise en scène par Delphine Hecquet, avec Hiromi Asai, Yumi Fujitani, Akihiro Nishida, Marc Plas, Kyoko Takenaka, Gen Shimaoka et Kana Yokomitsu. Le phénomène social japonais ancestral du "johatsu", traduit en français par "évaporé", correspond à la disparition volontaire d'un individu en relation avec l'éthique culturelle nippone de la honte au regard d'un code ancestral de l'honneur que le cinéaste Shohei Imamura avait évoqué en 1967 dans le film "L'évaporation de l'homme".
Dans la décennie 2010, son ampleur, au demeurant toute relative au regard de la population nippone, a interpellé romanciers et journalistes, tels respectivement Thomas B. Reverdy et Léna Mauger, oeuvrant dans la fiction ou le reportage.
Et il a également inspiré le théâtre avec "Jardins suspendus" de Camille Davin et "Les Evaporés" de Delphine Hecquet qui a conçu, à partir d'improvisations au plateau une pièce pour six acteurs japonais et un acteur français ressortant à un genre hybride.
En effet, elle s'ordonne sur une trame pseudo-documentaire délivrée sous forme de reportage (en)quête menée in situ par un journaliste français (Marc Plas), faisant office de recension vulgarisatrice de ce qui est devenu la solution ultime à une impasse existentielle, sur laquelle se greffent, dans le registre du théâtre néo-dramatique, deux bio-drames délivrées sous forme de vidéos d'interviews et de brèves scènes dramatiques.
Ceux-ci illustrent, outre la position institutionnelle avec l'employé du service des disparitions (Gen Shimaoka) et le sort des invisibles avec une figure emblématique (Kana Yokomitsu), des cas de figures ressortant toutefois à une situation identique, celle du malaise intra-familial, déclinée en deux modalités symétriques, l'incommunicabilité, avec un cinquantenaire licencié (Akihiro Nishida) face à sa fille (Hiromi Asai), et la fugue prolongée d'une jeune fille (Kyoko Takenaka) en conflit ouvert avec sa mère (Yumi Fujitani).
Dans une scénographie minimaliste de Victor Melchy qui installe un dehors-dedans, avec une immense baie vitrée structurant le plateau en deux espaces parallèles et une incessante, et dispensable, manipulation de son voilage, Delphine Hecquet a opté pour une mise en scène cinétique non seulement par l'intervention des projections et la voix aff mais par le montage des scènes qui répond à une construction filmique dû dans doute à l'influence de la réalisatrice Lara Hirzel qui a apporté sa collaboration artistique et dramaturgique. Le spectacle est dispensé de manière rigoureuse et émérite par les officiants avec les codes de jeu qui intègrent des règles sociétales nippones, notamment la démonstrativté contenue des sentiments, et une dramaturgie figée du corps ce qui entraîne une forme de distanciation dans cette approche d'un réel fictionnalisé - et parfois onirisé - qui peut s'avérer déconcertante pour le public occidental en impactant sa réception au plan émotionnel. |