On m'avait dit : "Tu aimeras, c'est bucolique !" Je confirme : le site de la Magnifique Society, après quelques caniculaires heures de route, s'avère salutaire et ressourçant. A taille humaine, jamais bondé, bien pensé en termes logistique et musical, le Parc de Champagne est définitivement un endroit idéal pour un festival.
C'est sans doute grâce à cet état d'esprit enclin à la farniente et au lâcher prise que Tachi Mukai, jeune artiste japonais qui à l'écoute ne m'avait pas du tout intéressé, laisse sans accroc couler sa pop sensuelle, déhanchée et joviale, mais néanmoins très américanisée et très "teenage". Une bonne entrée en matière malgré tout, tout en sourires et en remerciements.
De fait, la transition avec Hamza ne se fait pas sans difficulté... Si le public était clairsemé pour Tachi Mukai, il est indéniablement compacté devant la Mainifique (lire : mainstage) qui attend le rappeur avec impatience. Clairement, les lycéens rémois ont troqué les révisions du baccalauréat pour une petit sortie entre amis... Comme tous les rappeurs adulés de sa génération, Hamza n'a qu'à arriver avec sa présence et ses lunettes de soleil (un peu grandes ?) pour faire hurler un public déjà conquis. Son jeu de scène est réduit au minimum, mais qu'importe : les tubes s'enchaînent sans fioritures. Si on le loue pour être l'un des meilleurs de sa génération, si les spécialistes du live félicitent sa prestation, je me trouve personnellement clairement dépassée par tout cela...
Qu'importe : c'est surtout Delgrès que nous attendons et qui sera, en effet, le meilleur set de cette courte soirée. Du blues créole en veux-tu, en voilà, incarné par trois musiciens à la présence stupéfiante. On aime surtout le mélange des genres, l'énergie dépensée sur scène par ce tout jeune power trio, le charisme de Pascal Danaë ainsi que l'engagement des textes ? exemple flagrant avec "Mo-Jodi" ?, même si le groupe ne semble pas aimer cette "étiquette", pourtant flatteuse par les temps qui courent. L'héritage musical du groupe est aussi hétéroclite que parfaitement assimilé. Un groupe à la notoriété méritée.
L'erreur de la soirée se situe, à peu près, à 20h45. Comme un papillon de nuit, c'est la grande scène qui attire mon attention et me fait rester pour le concert de Franz Ferdinand, alors que ce sont les Balming Tiger que j'avais prévu d'aller voir (et qui ont, paraît-il, tout enflammé). Erreur, car il est parfois bien triste de voir comment évolue ce qui fut un excellent groupe. En somme, si les vieux titres fonctionnent encore à peu près, le reste peine à plaire ? d'autant que le public rémois est assez contemplatif et dur juge de la réalité musicale qu'il a en face de lui. En effet ? et cela m'a rappelé un concert d'Asaf Avidan, il y a quelques années, où tout le monde n'espérait que "Reckoning Song" -, il semble que ce soit essentiellement "Take me out" qui était attendu. Les jeunes musiciens de Franz Ferdinand n'ont aucun charisme, et c'est l'indétrônable leader qui fait tout le boulot ? heureusement encore avec brio...
Ironie du sort, pour ne rien arranger à l'ambiance mitigée du moment, la pluie se mêle à ma déception, entre chien et loup, pour décider de tomber dru, mettant en péril la fin de la soirée (et les appareils photographiques)...
Dans la mesure où Die Antwoord ne souhaite pas de photographes (abusivement relégués à la régie son, loin, si loin de la scène), on décide de terminer notre soirée par les originaux de The Fat White Family. On apprécie toujours autant le look déjanté des musiciens que l'étrange Lias Saoudi, habité, paradoxalement distant et présent, occupant de manière erratique l'espace de la scène comme les morceaux joués. La pluie donne à ce set une dimension spéciale, un peu hors du temps, qui va parfaitement à leur languissant post rock.
On s'éclipse donc lorsque Die Antwoord entre sur scène, pour fournir un show dont ils ont seuls le secret... |