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Reward  (Mexican Summer)  mai 2019

"Musique bête et méchante"

C'était le slogan d'une émission sur Radio Dio, il y a des lustres. Je trouve que c'est une définition idoine pour cet album.

Dans la voix de Cate, notamment, on sent souvent qu'il y a eu, avant la prise, de profondes réflexions sur le comment. Comment la placer, comment la moduler, pourquoi telle oscillation ou tel vibrato plutôt que tel autre. Prendre tel chœur très légèrement au-dessus, tel autre un poil en-dessous. C'est l'avantage d'avoir un instrument parfaitement maîtrisé à sa disposition : comme elle fait ce qu'elle veut de son organe, tout devient une question de discernement. Malgré tout, le rendu est une chanson pop, le truc le plus bêta du monde. Et le plus compliqué, évidemment.

Arriver à faire chialer un truc dansant.

Ça, c'est un poncif aussi vieux que la Motown. Mais c'est rare d'y arriver aussi bien. La musique de ce disque est souvent basée sur des petits synthés un peu débiles, mais le chant et les thèmes abordés sont d'une tristesse terrible. Non, pas "mais". Nous sommes en 2019, en 53 après Malkmus, alors on doit pouvoir dire "et donc".

Ça doit être quelque chose, de faire l'amour avec Cate Le Bon.

La musique de Cate a toujours été ultra sexuelle. Attention, je n'ai pas dit sexy. Vous voyez Big Thief ? Eh bien c'est tout le contraire. Aucun auto-érotisme pour compenser la pauvreté des chansons. Cate vous dévisage, statique, à travers ses mélodies. C'est l'école Cary Grant : the strong, silent type. Pas besoin d'en faire des tonnes quand on a des chansons pareilles. On pense forcément à Trish Keenan aussi, pour la voix blanche, pour cette fine calotte glacière derrière laquelle on perçoit un incendie.

La clarinette basse.

C'est un élément central de l'album, autour duquel s'articulent la batterie d'une intelligente simplicité, et les synthétiseurs susnommés. Stephen Black (Sweet Baboo) joue la clarinette basse. Donc non seulement le gars est un génie gallois largement sous-estimé, mais en plus il a le souffle idéal pour l’anche d'une clarinette. Si ces deux-là font un enfant, je veux bien être nounou.

Il se trouve qu’il y en a un. Mais c’est un bébé éprouvette. Il a un nom presque aussi débile que les petits synthés dans Reward : il s’appelle Banana. C’est le résultat de l’osmose musicale entre les membres du groupe qui accompagne Cate sur disque et, pour certains, sur scène. Un seul album, entièrement instrumental, Cate au piano et au vibraphone, Sweet Baboo à la clarinette et au saxophone. Résultat : pas vraiment des chansons, pas vraiment de sexe, c’est un album pop de Steve Reich, autant que cela puisse être concevable en tout cas.

Comme tout ce que touche Cate Le Bon, c’est une réussite dans son domaine.

Cette échelle relative à "son domaine", c’est justement la sale histoire de Sweet Baboo. Entendons-nous bien : j’aime et j’écoute la musique de ce type presque autant que tout ce qui est sorti dans les cinq dernières années réunies. Ces chansons sont devenues des toiles de fond pour moi.

Sentiment renforcé par la comédie dramatique qui se joue, épisode par épisode, entre Cate et Sweet Baboo par albums interposés.

Sweet Baboo fait de la musique de genre, voire de la musique méta. Ce sont des chansons à double fond, toujours. Du genre à chanter "accord mineur" pile sur le passage de la chanson qui entraîne, en effet, la chanson sur ce mode-là. Du genre à faire la sérénade à sa belle en lui chantant : "Daniel Johnston a écrit des centaines de super chansons. Moi, j’en ai six".

De la musique pour gens qui savent, sans aucune prétention. Mais aussi de la musique pour gens qui risquent d’écrire que Stephen Black compose des chansons "bien troussées". C’est absolument terrible comme formulation, mais c’est bien réel : la formule pop l’emporte sur le reste et c’est en partie ce qui fait que tout le monde se fout de l’existence de ce gars sur la carte musicale.

C’est le grand drame de la musique de genre. Et n’importe quel esthète mal intentionné aurait du mal à s’inscrire davantage dans cette catégorie musicale que Sweet Baboo lui-même avec son dernier album (oui, bon, tiré à 150 exemplaires, ok) : des chansons qu’il a composées pour le distributeur de saucisses que son pote charcutier a mis en service dans un bled gallois. Tu mets une pièce, tu sélectionnes ta saucisse, elle tombe dans le bac et le distributeur te diffuse vite fait une chanson inédite de Sweet Baboo pendant que tu mâchonnes.

C’est la fin d‘un long processus de désoeuvrement ultra créatif et enthousiasmant.

Reprenons.

Il y a six ans, Sweet Baboo sort Ships et les regards se tournent vers lui. C’est beau, intrigant et savamment arrangé. Ça trousse plutôt pas mal. Petite reconnaissance médiatique après une longue série d’albums ignorés. Sur cet album, il y a la fabuleuse "Cate’s Song", une accolade à sa camarade Le Bon qui tire son épingle du jeu à peu près au même moment avec des albums de plus en plus fascinants.

Sweet Baboo pense alors naïvement que c’est le moment parfait pour sortir quelque chose de plus ambitieux, de moins frais et de moins tape dans le dos. Moyens supplémentaires, rigueur dans la production, croyance suramplifiée. The Boombox Ballads fait un petit four majestueux. Sweet Baboo déprime copieusement.

Pendant ce temps, Cate chante un morceau sur le dernier album des Chemical Brothers, fait le tour du monde et part s’installer en Californie car elle réussit.

Sweet Baboo s’achète un Farfisa et se cloître dans une attitude de puisque c’est comme ça. Il sort Wild Imagination, un album au fond de commerce rempli des rythmes préenregistrés du clavier et de paroles pour les gens qui savent. Petit four amusant (sur la pochette, Sweet Baboo sort littéralement du four). Pendant ce temps, Cate fait des albums avec Tim Presley sous le nom DRINKS. Du post-punk pur, bien dur, avec les gimmicks du genre. De la musique de genre, donc. Réussie en plus. ET PLÉBISCITÉE, BORDEL.

Happy end quand même : la clarinette basse. Le projet qui semble être le plus lucratif et le plus remarqué de Sweet Baboo ces dernières années, c’est Group Listening, un duo auquel il participe, anches en bouche, accompagné par un pianiste. Ensemble, ils reprennent de manière instrumentale des chansons bien (signées Raymond Scott, Roedelius... Inclus également : une reprise à tomber par terre de Euros Childs).

Et si on connaît si bien la météo du moral de Stephen, c’est grâce à Cate. C’est elle qui rédige les biographies qui accompagnent les albums de son ami moins fortuné ; elle qui rédige le carnet de santé ; elle qui nous tient au courant.

Elle, ça va plutôt très bien. Surtout depuis qu’elle a arrêté la musique de genre, ou plutôt qu’elle en maîtrise la consommation. Soit en prise intensive avec DRINKS, soit en fractionné pour saupoudrer ses albums solos qui contiennent toujours leur dose de chansons acides et anguleuses. Récemment, son penchant post-punk mis de plus en plus au service de l’écriture plutôt que de l’enveloppe, elle éblouit tout le monde avec des chansons absolues. Indéniablement brillantes. Reward, c’est l’avènement de ce qui mijotait déjà depuis un moment : un album de chansons point. Pas de chansons folks, pas de chansons de folle dans le grenier, pas de chanson de diaspora galloise, pas de chansons anguleuses et alambiquées, pas de chansons savamment arrangées. Simplement de chansons point.

 

En savoir plus :
Le site officiel de Cate Le Bon
Le Bandcamp de Cate Le Bon
Le Soundcloud de Cate Le Bon
Le Facebook de Cate Le Bon


Flavien Girard & Mickaël Mottet         
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