Jour 1 : Girl power !
Oserai-je dire que je l'ai attendue tout l'été, cette "première", comme on dit au théâtre, du Check-In Party ? A tel point que l'arrivée se fait langoureuse – lire : interminable. Je n'égrènerai pas ici les failles (microscopiques, pour un premier acte) qui ont entaché l'ouverture du rideau car il ne faut pas toujours se fier aux premières impressions.
Car mon live report pourrait s'arrêter là. Car ensuite : rien à déclarer. Rien à reprocher. Tout à accueillir et à prendre. A commencer par ce Prince Miiaou qui sort subitement les griffes, devant un public miaulant de plaisir – au sens propre, si si. Ouvrir un festival n'est pas tâche aisée : les regards s'échangent entre Maud-Elisa Mandeau et Norbert Labrousse, qui en disent long sur ce mélange d'angoisse et de plaisir qui va faire toute la saveur de ce set pour tout dire bluffant, atypique, musicalement ingénieux, émotionnellement puissant et parfaitement à sa place pour fermer les yeux, se dire "on y est", et crier "Victoire" - un joli nom d'album à écouter en boucle, non ?
Après la fougue et la détresse, le doute et le cri, passons au calme olympien et impérial de Julia Jacklin et sa folk aussi lancinante que parfaitement juste – mention spéciale à la pureté cristalline et inégalée de la voix. Un grand moment de musique, indéniablement, durant lequel, on ne se refait pas, l'ennui pointe quand même bien souvent le bout de son nez. A l'écoute, le dernier album de Julia Jacklin, Crushing, est une pépite, mais scéniquement...
La grande question du soir, qui taraude les festivaliers pourtant enchantés, sera de savoir si Clara Luciani, dont La grenade explose depuis des semaines les charts radiophoniques, était sincère. Parce que oui, Clara Luciani a fait un show plaisant, virtuose quand il s'est agi de chanter "Drôle d’époque" seule et donc sans filet, populaire en faisant chanter son public en lui lançant des "Fleurs", intime entre les morceaux dont on connaît désormais l'histoire, solide dans sa relation à ses musiciens, décalé aussi grâce à sa posture de grande fille souple et disco. Tout est peut-être "sprezzatura", c'est-à-dire apparences et travail pour donner l'illusion de la facilité et de la sympathie : j'ai personnellement voté pour la sincérité, adhérant pleinement au velours et à la suavité de la voix.
Comment une légende entre en scène ? Avec un bonnet, et un grand sourire, s'il s'agit de Patti Smith. La prêtresse commence par un salutaire "People have the power", enchaîne en critiquant violemment un certain président américain ("fucking idiot"), éructe un incontournable "I'm free to do what I want", puis nous engage à prier pour la forêt amazonienne, avant de commencer "To walk on the wild side". Pas de répit donc, ni pour Patti Smith ni pour le public, dans un état d'affolement qui en dit long sur son plaisir de danser et chanter sur des tubes, mythiques, encore et encore, de cette reprise de Neil Young, "After the gold rush" à ce final explosif avec "Gloria". En passant, merci au service "comm'" du Check-In Party qui a négocié âprement notre présence dans le pit – même s'il fallait choisir un côté, dont on espère toujours qu'il soit le bon.
Fallait-il programmer quelqu'un d'autre, et ce même s'il s'agit de Jeanne Added, après Patti Smith ? Pas sûre. Le public s'effiloche, ou reste gonflé d'énergie par le set précédent, si bien qu'il se révèle pas vraiment réceptif à ce qui se passe sur scène lors des premiers morceaux. Le set se montre très bien rôdé, très électro (un peu trop aussi, à chacun son virage musical), et le rapport à la danse qui habite le concert rappelle immanquablement la relation au corps de Chris. Beaucoup de présence, une voix parfaite, on ne peut rien reprocher à Jeanne Added qui ferme admirablement cette journée. |