"On a tous des désirs de mer, des envies de s’y plonger, de sentir ses odeurs et ses parfums. On a tous une envie de s’assoir dans son sable, de regarder et, bercé par ses vagues, d’oublier ses peines, revivre ses amours et d’essayer d’arrêter le temps de le retenir encore et encore". Marie-Nicole Lemieux
Difficile de choisir entre la pertinence du programme et la qualité de l’interprétation pour vous donner envie d’écouter ce disque qui regroupe trois œuvres pour voix féminine et orchestre de la fin du XIXème siècle : Sea Pictures d’Elgar, Poème de l’amour et de la mer de Chausson et La mer de Victorien Joncières.
Si la mer est le fil conducteur de ce disque, il n’est pas le seul. Le wagnérisme : langage musical riche, dramaturgie et symbolisme, motifs récursifs, est aussi le lien qui unit ces différentes œuvres.
Victorin Joncières, compositeur au goût prononcé pour le monumental et critique musical à La Liberté, s’engagea pour les œuvres et l’esthétique de Richard Wagner bien avant la mode du wagnérisme français. N’a-t-il pas arrêté le conservatoire de Paris suite à une dispute avec ses professeurs à propos du compositeur Allemand ? Tombé dans l’oubli, à part peut-être sa symphonique romantique, sa musique évoque parfois celle de son ami Emmanuel Chabrier, et tend plus du côté de Franck qu’il soutiendra dans ses articles, Chausson, Duparc et Ropartz que de Debussy ou Saint-Saëns. La mer que l’on trouve ici en première enregistrement mondial tout en dramaturgie est une ode-symphonie versifiée par Édouard Guinand où la mezzo-soprano est comme une allégorie de l’océan, une sirène autant source de consolation que de destruction. La mer d’abord calme et contemplative se transforme en une tempête avant de retrouver une certaine quiétude.
Des tourments entre moments de sérénités et grondements que l’on retrouve dans Les cinq poèmes en chanson Sea Pictures du grand mélodiste Edward Elgar et dans le superbe : Poème de l’amour et de la mer d’Ernest Chausson mêlant écriture taillée dans la masse orchestrale (et rappelant César Franck), ambition architecturale et expressivité mélodique.
On est complètement pris par ces musiques tumultueuses où Marie-Nicole Lemieux et l’Orchestre National de Bordeaux Aquitaine sous la direction de Paul Daniel trouvent un équilibre parfait entre énergie, engagement, finesse et intensité. Pertinence du programme et qualité d’interprétation donc. |