Voilà un petit livre bien sympathique, rigolo à souhait, très joliment écrit, qui porte bien son titre, La petite conformiste. A la plume une nouvelle auteure, Ingrid Seyman journaliste et réalisatrice qui nous propose un premier roman parfaitement maîtrisé.
Ingrid Seyman nous déroule l’histoire d’Esther, une enfant de droite née par hasard dans une famille de gauche, à Marseille, au mitan des années 70. Chez elle, tout le monde vit nu. Et tout le monde, sauf elle, est excentrique.
Sa maman est une secrétaire anticapitaliste qui ne voit que par mai 68. Son père, juif pied-noir, conjure son angoisse d’un prochain holocauste en rédigeant des listes de tâches à accomplir. Son frère est un hyperactif et ses grands parents soignent leur nostalgie de l’Algérie en jouant à la roulette avec les poids chiches du couscous. Il existe aussi dans la famille de cette jeune Esther une violence diffuse, instaurée par le père, dont les inquiétantes manies empoisonnent la vie de la famille.
L’existence d’Esther va basculer quand ses géniteurs, pétris de contradictions, décident de la scolariser chez l’ennemi : une école catholique, située dans le quartier le plus bourgeois de la ville. On va alors suivre ses déboires (pendant dix ans à partir de ses trois ans) ou plutôt sa joie d’intégrer une école où l’uniforme fait foi, entourée d’enfants venant de familles qu’elle envie. Voir cet enfant à la recherche de règles et de normalité se débattre avec ses parents qui n’en ont pas beaucoup est particulièrement drôle mais aussi très touchant.
Car oui, tout n’est pas drôle dans ce livre, et vous le découvriez en le lisant. Ingrid Seyman prend soin de nous montrer que ce que l’on peut prendre pour du délire ou de l’anormalité (celle du père notamment) peut être vécu différemment par un enfant.
La grande qualité de l’ouvrage repose sur deux éléments à mon sens. En premier, elle repose sur la science du récit de l’auteur pour qui la langue fait office de mitraillette, se révélant tour à tour drôle et grave, absurde et bouleversant. Certains passages du livre sont particulièrement comiques autour de situations cocasses ou de décalages entre la vision que se fait un enfant d’une chose et de sa réalité. Les préjugés vont bon train dans l’ouvrage et on se marre beaucoup. Et en même temps, le livre nous fait aussi beaucoup réfléchir sur des sujets variés comme la politique, le racisme, l’immigration et la folie.
La deuxième qualité de l’ouvrage tient dans son final, particulièrement réussi et à laquelle on ne s’attend pas. Bluffant, Ingrid Seyman a compris que l’on a tendance à se souvenir d’un ouvrage aussi quand sa fin nous met sur les fesses.
Alors voilà si vous avez envie de lire un ouvrage drôle et original, je pense que celui d’Ingrid Seyman sera parfait et comblera vos attentes. La petite conformiste est une chronique douce et amère d’une famille originale, le mot est faible, dont vous vous souviendrez. |