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Interview  (Paris)  17 novembre 2005

Jusqu'au 9 janvier 2006, se tient au Grand Palais Hors Cadre, une superbe exposition de photographies de Gérard Rondeau qui nous entraîne dans les délales des musées, avec ou sans visiteurs, quand les oeuvres d'art deviennent elles-même spectatrices et dont il a peut être saisi le secret.

Nous avons rencontré Gérard Rondeau sur les lieux mêmes de l'exposition. Il nous parle des circonstances qui l'ont amené à devenir un spectateur privilégié des oeuvres d'art, notamment quand elles sont en cours d'installation pour des expositions, de ses autres projets et aussi du grand plaisir qu'il éprouve à faire de la photo.

Quelle est la genèse de cette exposition singulière ?

Gérard Rondeau : C'est une très belle histoire. C'est une commande de deux grandes institutions françaises qui sont la Direction des Musées de France et la Réunion des Musées Nationaux qui m'ont demandé depuis 1989 de passer 1 fois, 2 fois ou 3 par an lors de l'accrochage de grandes expositions soit de passer une journée dans chaque musée national. Il y en avait 33-34 à l'époque. Ce qui est très beau à une époque où la mémoire n'existe plus dans les institutions qui fonctionnent dans une communication à court terme.

Et c'est un cas exemplaire où la même institution demande à la même personne de porter un regard, son regard, sur une quinzaine d'années. Je ne dis pas que ce regard est bon ou non. Mais cette démarche est exemplaire et je leur en sais gré. J'ai agi à ma guise et à la fois en commande à chaque fois puisque j'étais forcé de leur remettre un compte rendu photographique après chaque passage.

Pour ce compte rendu, vous jouissiez de quelle liberté pour la thématique, la forme ?

Gérard Rondeau : J'ai toujours eu carte blanche. Je peux photographier une lumière, un matériau, un détail d'œuvre, un spectateur, et ce en liberté totale. Et je n'ai jamais eu une réflexion en 15 années alors que parfois je rendais des choses assez minimalistes, ce qui est aussi extrêmement rare.

Sur quoi débouchait ce compte rendu ?

Gérard Rondeau : La RMN s'en est beaucoup servi pour sa communication mais toujours d'une manière un peu décalée. Et à côté de cette communication décalée ce travail a fait œuvre de mémoire.

Comment choisissiez vous les clichés retenus pour le compte rendu ?

Gérard Rondeau : A chaque fois, je leur rendais une espèce d'album photographique qui racontait ma vision de l'accrochage de l'exposition ou ma vision du musée. Comme j'aime raconter des histoires en images, chaque fois, j'éprouvais le même plaisir à construire parfois avec des salles extrêmement vides et des détails car je pense que dans la photographie il y a un grand plaisir à donner à voir, à suggérer plutôt qu'à tout démontrer et que le vide et l'absence, même avant l'arrivée des œuvres, peuvent encore davantage nous renvoyer vers le musée.

Et donc à chaque fois, il s'agit d'un parcours très personnel autour d'une vision d'un musée national ou d'une exposition que l'on peut lire de manière différente en se réappropriant et en s'imaginant son propre parcours. Je trouve formidable cette idée de musée imaginaire, et on pense bien évidemment à Malraux. On éprouve toujours du plaisir à être dans un musée même avec des collections très modestes car même dans un petit musée de province il y a toujours une œuvre que l'on découvre et ce davantage que dans un grand musée car elle paraît n'être là que pour vous. Et ce plaisir on peut le retranscrire par une photographie tout à fait personnelle.

Preniez-vous ces photos parce que vous sous trouviez là au bon moment au bon endroit ou étiez-vous dans une situation d'attente ?

Gérard Rondeau : Dans les accrochages de grandes expositions à Paris, il y a peu de monde : le commissaire et les ouvriers. Je suis présent mais en position humble, en retrait, avec mon petit appareil, un Leica. Et je passe beaucoup de temps à attendre et au moment où je détectais quelque chose, je sortais l'appareil. Mais quand on attend et qu'il ne passe rien, c'est peut être le moment le plus exaltant. C'est ce que j'aime dans tous mes autres travaux. Je pense que quand vous êtes en commande dans une salle où il ne se passe rien, il y a un moment où le désir de photographier prend le dessus y compris sur le vide. Le désir de voir se conjugue au plaisir et subitement même une oeuvre dans un coin ou un bout de moquette peut vous parler. Tout est prétexte à photographie. Quand on est dans un processus de travail, on a envie de voir les choses.

Et peut être sont-ce les moments qui m'ont le plus parlé parce que d'un seul coup les oeuvres vous interpellent d'une certaine manière. Une autre chose importante est que l'on ne voit pas les oeuvres de la même manière selon l'espace. Il y a toujours un rapport entre l'oeuvre et l'espace qui est très important et la photographie permet de jouer avec tout cela. Et on peut faire des photographies avec des oeuvres totalement mineures. D'ailleurs je ne me renseignais pas avant de la nature des oeuvres ; La surprise l'emportait donc toujours. Je crois au miracle de la vision lors de la découverte. Après on a envie d'en savoir plus. Mais je tiens pas à en savoir beaucoup avant parce que la photographie parle d'autre chose et n'a rien voir avec l'érudition qui n'a rien à voir non plus avec la grandeur des oeuvres.

Quel a été l'événement qui a suscité cette exposition ?

Gérard Rondeau : Nous avions accumulé beaucoup de choses et depuis 3 ans, il y a une exposition, moins importante, qui a été organisée à la demande d'un centre culturel français à l'étranger. La première petite exposition a eu lieu à New York et elle a beaucoup voyagé à Washington, Sarajevo, Singapour, Berlin, Istanbul... Son succès a appelé l'attention de Marie Claude Vitoux, administratrice du Grand Palais et c'est ainsi qu'une exposition a été décidée au Grand Palais.

Etes-vous intervenu pour le choix des photographies exposées ?

Gérard Rondeau : Le choix s'est fait en concertation étroite avec le commissaire de l'exposition Christian Caujolle. Nous avons ensemble une vieille habitude de travail car nous avons déjà travaillé ensemble sur plusieurs livres. Nous n'avons pas eu de problème de choix car j'avais tout en tête et nous sommes tombés d'accord instantanément sur 98% des choix. Cela s'est fait très simplement et très rapidement car nous voyions la même chose.

Quelle a été votre ou vos ligne(s) directrice(s) pour cette exposition ?

Gérard Rondeau : Le couloir est une invitation à entrer dans le musée avec des photos sur le rapport entre le visiteur et les oeuvres. Il y comme dans toute l'exposition une sorte de confusion des genres. Les sculptures et les détails de peinture semblent souvent plus vivants que les spectateurs, ce que j'aime. Donc une invitation à franchir le seuil des musées avec à la fois des natures mortes et des spectateurs. La première salle à droite , que nous appelons une salle très silencieuse, ne comporte aucune photo de spectateurs.

Je l'aime beaucoup car les sculptures ont une grande présence et semblent nous rappeler à l'ordre en contemplant le monde qui les entoure avec consternation. La deuxième salle montre des grands formats de nature morte et des choses plus vivantes en disant peut être qu'il y a toujours quelque chose à voir dans les musées. C'est comme dans la vie, il y a des choses très gaies et des choses plus mélancoliques, pour rappeler une autre exposition qui se tient ici au Grand Palais.

Le format et l'accroche résultent également d'un choix de votre part ?

Gérard Rondeau : Oui, avec Christian Caujolle. Et uniquement nous deux. Il y a toujours une vertu pédagogique dans une exposition ce qui est important. C'est un vrai plaisir et un travail différent de celui sur un livre qui permet une autre lecture. Il y a évidemment des similitudes mais on ne raconte pas la même chose. On a toujours à apprendre en regardant. On a toujours des surprises et des manières de voir autrement selon le support et je trouve cela passionnant.

Hors cadre reste au Grand Palais jusqu'en janvier 2006. Est-il déjà prévu de faire voyager cette exposition ?

Gérard Rondeau : Nous avons déjà des contacts en France et à l'étranger, comme la Corée et le Japon.

Vous avez également une autre actualité en France.

Gérard Rondeau : Oui, j'ai une exposition à Marseille sur Médecins du Monde avec qui je travaille depuis une quinzaine d'années. Je suis compagnon de route de médecins du Monde depuis 1989 et je les accompagne par la photo, je les aide aussi sur d'autres choses, depuis la chute des Ceaucescu en Roumanie jusqu'au tsunami. J'ai d'ailleurs publié au Seuil un livre qui s'appelle Médecins du Monde.

Quels sont vos sujets de travail actuellement ?

Gérard Rondeau : Je suis actuellement très occupé avec cette exposition. Mais je viens de finir un film de 26 minutes sur la maison abandonnée d'Yves Gibeau, qui est un écrivain aujourd'hui décédé qui est diffusé au grand Auditorium du Grand Palais. Il y aura fin décembre la diffusion d'un film sur un très grand peintre français, Paul Rebeyrolle qui est mort il y a quelques mois. Et je prépare un livre de portraits pour l'année prochaine. C'est 20 ans de portraits, de portraits de peintres, écrivains, sculpteurs, en collaboration avec le journal Le Monde et le ministère de l'Education.

Vous nous avez montré votre appareil que vous tenez en bandoulière sous votre veste. Etes-vous photographe par passion en étant, selon l'expression usitée, tombé dedans dès tout petit ?

Gérard Rondeau : Non. J'ai fait autre chose avant. J'étais enseignant à l'étranger et j'ai découvert la photo à partir d'un livre. J'ai ensuite fait du journalisme et j'ai travaillé sur un sujet qui est devenu un livre. Je ne savais pas que l'on pouvait vivre de la photo. Mais j'ai travaillé très longuement des sujets pour des livres ou des expositions et ensuite j'ai eu des commandes qui allaient dans le même sens.

Vous ne faites que de l'argentique et du noir et blanc ?

Gérard Rondeau : Oui. Toujours. Le numérique est une révolution géniale, un outil formidable. Je l'ai utilisé pour une série sur la mode pour le Monde il y a 2 ans. Mais je trouve que le numérique est tellement intelligent qu'il vous désapprend à voir les reliefs, la lumière. Il fait feu de tous bois et cela devient un peu mécanique. Ce qui me retire le plaisir de découvrir la lumière, les rapports avec la réalité. Je fais de la photographie par plaisir. Je veux conserver le plaisir de voir.

Faites-vous partie des photographes qui procèdent au développement de leurs photos ?

Gérard Rondeau : Non. Je l'ai fait mais plus maintenant.

Vous avez un tireur attitré ?

Gérard Rondeau : Non. Bien sûr j'ai un bon tireur mais il n'y a rien à faire sur mes photos. Vous voyez je joue avec ma main et c'est elle qui vérifie la lumière, le rapport entre la réalité et le support papier. (ndlr : suit une courte mais très instructive démonstration). Ce que j'aime et qui est obsessionnel chez moi ce sont les lignes, la lumière. La photo est vraiment faite à la prise de vue. Je ne la vois pas dans l'appareil mais dans l'œil et je sors l'appareil. Il n'y a donc pas de travail sur la lumière au labo. Il suffit que le tireur voit où est la lumière et il éclaire sur la lumière. Ces photographies sont toutes faites à la prise de vue et sans flash ni lumière artificielle. Je fais avec ce que je vois et ce que je trouve. Toujours le plaisir de chercher et de découvrir.

Vous arrive-t-il d'être déçu par vos photos ?

Gérard Rondeau : Bien sûr, cela arrive. Et il m'arrive de ne pas voir. Je me souviens avoir quitté le Musée Guimet sans avoir vu aucune photo. Je suis rentré chez moi en Champagne. C'était terrible pour moi. Je suis revenu 3 jours après et le plaisir était là.

Il y a donc un aspect très intellectualisé puisqu'il faut que vous soyiez dans une certaine disposition mentale pour voir.

Gérard Rondeau : Oui et la commande, et c'est pour cela que j'aime beaucoup les commandes, parce que sinon je suis paresseux, me force à photographier. La commande fait que les choses s'organisent. D'ailleurs c'est toute l'histoire de l'art qui se pratique sur commande. Les gens pensent souvent à tort que la commande n'est pas synonyme de liberté. Il suffit de définir la commande et d'en définir les modalités.

En ce qui me concerne on me donne un titre et je fais ensuite très librement. Et je travaille beaucoup. On me dit parfois que je suis là au bon moment. Oui, mais il y a 15 ans quand j'allais voir Paul Rebeyrolle j'ai passé beaucoup de temps avec lui sans penser à travailler. Mais je travaillais. Et puis il faut aussi choisir les choses que l'on fait dans la vie. On peut aussi travailler sur des commandes qu'on se fait à soi-même et ce sont les pires.

Merci à Florence Le moing pour avoir facilité cette interview.

 

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La chronique de l'exposition Hors Cadre

Crédits photos : Thomy Keat


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