Une immense femme et une immense auteur nous a quitté en août dernier à l’âge de 88 ans. Toni Morrison, née dans l’Ohio dans une famille ouvrière de quatre enfants nous laisse une œuvre magnifique. Après avoir suivi des études de Lettres et enseigné, elle a travaillé comme éditrice chez Random House. En 1988, elle obtient le prix Pulitzer avec Beloved puis reçoit en 1993 le prix Nobel de littérature.
Avant de mourir, Toni Morrison nous a offert un ultime ouvrage que viennent de publier les éditions Christian Bourgois, La source de l’amour-propre, un livre qui réunit une quarantaine de textes écrits par l’auteure au cours des dernières décennies et qui, chacun à sa façon, attestent de sa généreuse intelligence.
La source de l’amour-propre est à la fois une porte d’entrée dans l’œuvre de Toni Morrison et une somme où se donne à lire l’acuité combative de son auteure. C’est aussi, dans un style dont la vigueur ne cesse de nous éblouir, un puissant appel à l’action, au rêve et à l’espoir.
Dans ce dernier ouvrage, l’auteure s’implique, débat ou analyse des thèmes aussi variés que le rôle de l’artiste dans la société, la question de l’imagination en littérature, la présence des afro-américains dans la culture américaine ou encore les pouvoirs du langage.
On retrouve dans ces essais ce qui fait également la puissance de ses romans : l’examen des dynamiques raciales et sociales, sa grande empathie et son pragmatisme politique. Toni Morrison n’hésite pas s’interroger : "Comment faire en sorte que personne ne soit plus perçu comme un étranger en son propre pays ?"
Pour répondre à cette question, elle s’emploie à rendre hommage à ses illustres prédécesseurs : James Baldwin, Martin Luther King ou plusieurs peintres noirs qui, tous, ont théorisé ou incarnés les tiraillements identitaires de l’Amérique.
Ce sont pour la plupart des textes brefs que nous propose l’auteur, des extraits de conférences ou de discours (notamment celui donné lors de son prix Nobel) mais aussi des chroniques de presse. D’autres, un peu plus longs ont une dimension universitaire plus marquée et certains sont des méditations. Le livre débute par un hommage aux victimes du 11 septembre pour se clôturer sur une réflexion sur la lecture et ses pratiques. Toni Morrison n’hésite à nous exposer ses différentes critiques concernant notre société, sur les médias et les journalistes notamment. On y retrouve aussi ce qu’elle pense de la guerre, des régimes autoritaires, de l’esclavagisme.
Evidemment, comme dans tous les recueils de textes, il y en a toujours quelques-uns qui sortent de lot. On retiendra donc, de mon côté, le formidable éloge funèbre rendu à James Baldwin et La source de l’amour-propre (qui donne le titre à l’ouvrage) dans lequel elle nous parle du jazz.
C’est donc au final un superbe testament que nous lègue Toni Morrison avec cet ultime ouvrage dans lequel elle rend un vibrant hommage à la littérature. Toni Morrison était une grande femme, une grande auteure et une femme sage à l’intelligence redoutable. Elle est et restera définitivement la référence de la littérature américaine. Chapeau bas Madame ! |