Comédie dramatique écrite et mise en scène par Philippe Minyana, avec Laurent Charpentier et Catherine Matisse.
Ils sont nostalgiques ces fantômes qui se promènent dans la maison située 21 rue des Sources. Habillés de blanc et le visage farineux, ils arpentent des lieux qu'eux seuls voient puisque la scène se résume à un carré dans lequel il n'y a qu'un piano et un pianiste en frac noir.
Elle, c'est Nadine, lui, c'est L'Ami. Un ami distingué qui aime dire le mot "véranda" comme si c'était un sésame chic qu'il suffit de prononcer sur un ton snob pour revenir aux temps forts du 21 rue des Sources.
Philippe Minyana a derrière lui une œuvre et le voilà arrivé au moment où l'on revient sur ses pas, où parler de soi s'impose. L'adresse qui lui sert de titre fut celle de la "Maison" de son enfance et l'on comprend que ses deux fantômes à la mémoire qui flanche un peu, mais qui se fait aussi parfois précise sur un fait ou un nom, sont porteurs de la sienne.
Mêlant autobiographie et fiction, les discussions entre les deux fantômes permettent de cerner cette "Maison" mystérieuse sans lui enlever totalement son étrangeté venant d'un passé partiellement reconstitué.
Sur un ton qui n'est ni celui du constat clinique ni celui des rancoeurs réveillés, Catherine Matisse et Laurent Charpentier, sont parfaitement à l'aise en fantômes, guidés dans les recoins de la "Maison" par la musique plutôt allègre jouée par Nicolas Ducloux. Ils se délectent de la belle langue de Philippe Minyana et on les suit sans déplaisir dans cette déambulation sans véritable enjeu organisée par l'auteur-metteur en scène.
Le passé mis en avant n'est pas porteur de drames ou de lourds secrets. Il ne s'agit pas de rechercher une époque perdue, tout juste de ressentir des instants dont le parfum n'est pas totalement éventé.
Démarche modeste, bien dans le style sans emphase de Philippe Minyana, "21 rue des Sources" n'a pas pour vocation une analyse profonde des éléments et des événements décrits. C'est une œuvre qui a la prétention de raconter les petites choses de la vie, les seuls à survivre à la destruction généralisée.
Certains n'y verront qu'une bulle de savon qui éclate très vite une fois la lumière revenue sur la scène. D'autres, au contraire, sauront y puiser le miel de toute une existence.
Si Philipe Minyana n'a jamais cherché à abrutir ses contemporains avec de grands principes majuscules, il a réussi à les adoucir avec sa petite musique riche en poésie et en humour. On en redemande. |