Diptyque mis en scène par Frédéric Bélier-Garcia et interprété par Camille Chamoux, Jean-Charles Clichet, Sébastien Eveno et Stéphane Roger.
Frédéric Bélier-Garcia propose un divertissant spectacle avec "Les guêpes de l'été piquent encore en novembre" du dramaturge russe contemporain Ivan Viripaev et "L'affaire de la rue de Lourcine" du vaudevilliste de la Belle Epoque Georges Feydeau, deux pièces courtes présentées en diptyque autour du thème de la suspicion.
La partition de Ivan Viripaev ou "comment passer une bonne soirée entre amis qui n'ont rien à se dire", dont la récurrente et taraudante question récurrente "Où était Markus lundi dernier ?" constitue le "mcguffin" et pour laquelle le titre repris à plusieurs reprises dans la conversation est l'équivalent du pouce levé non seulement marquer une pause mais clore une scène pourrait être une comédie de salon d'une Yasmina Reza sous acide qui revisiterait le trio du vaudeville traditionnel à l'aune de la figure du bobo.
Dans leur insondable vacuité existentielle, trois personnages se prennent la tête autour d'un quatrième "arlésienne" qui semble être doué de la capacité d'ubiquité puisque simultanément présent le même jour auprès de l'épouse et de l'ami.
Jean-Charles Clichet parfait en mari jaloux et ahuri en yoyo comme sur une attraction de montagnes russes, Camille Chamoux très à l'aise dans le rôle de l'épouse meneuse de jeu versée dans l'art de la diversion et, dans celui de l'ami à la fébrilité suspecte, Stéphane Roger époustouflant dans la folie furieuse notamment dans un moment d'anthologie avec son imitation de la pluie qui tombe, assure avec maîtrise le nonsense de l'opus sous obédience pinterienne.
Dans "L'Affaire de la rue de Lourcine", dont le texte est légèrement revu sans dommage, la comédie est plus noire car montrant l'amoralité et le cynisme des hommes biens sous tous rapports qui, suite à une amnésie post-éthylique et un quiproquo, croyant être coupable d'un meurtre n'hésitent pas à envisager un autre homicide pour assurer leur impunité. Aux côtés de Camille Chamoux délicieuse en épouse psycho-rigide et Sébastien Eveno en valet décontracté et cousin hilare, Jean-Charles Clichet et Stéphane Roger s'avèrent désopilants en tout aussi inquiétant que pathétique duo clownesque. Dans un décor de salle des fêtes des années 60 conçu par Jacques Gabel avec estrade en fond de scène, banquettes de moleskine, dais de perles et boule à facettes, ce beau moment de théâtre alertement négocié par Frédéric Bélier-Garcia bénéficie d'une judicieuse et émérite distribution pour mener à leur paroxysme ces folles fantaisies. |