Réalisé par Vincenzo Marra. Italie. Drame. 1h30 (Sortie le 25 décembre 2019). Avec Mimmo Borrelli, Roberto Del Gaudi, Giuseppe D'Ambrosio, Astrid Meloni et Paolo Sassanelli.
Finis les curés triomphants d'antan, les Don Camillo prêts à en découdre avec l'alter ego communiste. Finis les petits curés raisonneurs et gauchisants prédisant la déchristianisation, comme le jeune Nanni Moretti dans "La Messe est finie".
Dans "L'Equilibrio" de Vincenzo Marra, l'homme de Dieu, Giuseppe est confronté à toutes les horreurs actuelles (pédophilie, drogues, déchets radioactifs, chômage massif et petite criminalité généralisée).
Missionnaire en Afrique, il se fait muter dans une petite paroisse près de Naples car il veut rester fidèle à ses v?ux de célibat ébranlés par une militante défendant les migrants.
Bref, Giuseppe est un curé d'un autre temps, pensant quelque chose de désormais impensable dans l'Eglise : il doit par amour des hommes les défendre coûte que coûte de tout ce qui les oppresse ou les humilie.
Don Antonio, son prédécesseur, avait trouvé un arrangement : il se battait contre la décharge très dangereuse qui provoquait de graves maladies à ses ouailles... et oubliait que la ville était gangrénée par la pauvreté, les trafics et les violences sexuelles sur les femmes et les enfants.
Dans ce film très fort, on revoit une Italie qu'on voyait dans énormément de films, à commencer par les premiers Pasolini comme "Accatone" ou "Mamma Roma". Certes, les bidonvilles ont disparu, mais les habitants vivent dans des cités assez déglinguées, couvertes de déchets et où les enfants jouent toujours dans la rue car le terrain de sport est le domaine réservé de la chèvre du petit chef dealer du coin.
On est quand même dans la quatrième puissance européenne, et cet état de déliquescence, où le politique a disparu et où la police est anecdotique, interroge sur le mirage qu'a été la réalité de la croissance italienne au 20ème siècle.
Le père Giuseppe est totalement impuissant. Un des enfants de choeur, un des rares personnages favorables à sa cause dira : "vous avez essayé". Quelques cailloux semés dans un monde où les petites frappes gardent groupés dans une cour tous les drogués pour qu'ils n'aient pas l'idée de traîner en ville et d'obliger les policiers à faire quelque chose...
Interprété par Mimmo Borrelli, acteur et dramaturge napolitain, le père Giuseppe est un très beau personnage d'ecclésiastique, complexe et paradoxal. "L'Equilibrio" de Vincenzo Marra a l'avantage d'avoir un regard critique sur ses fonctions mais n'en fait ni un hypocrite ni un pantin anachronique.
Ce regard chrétien sur un curé qui "aime son prochain" paraît presque une provocation. Ce film amer mais plein de compassion repose des clichés cyniques apposés désormais sur les prêtres. Même Don Antonio, qui pourrait être présenté de manière détestable, a ses raisons. C'est peut-être aussi pour ça que le film s'intitule "L'Equilibre". |