Rencontrer Paris. Découvrir Paris. Tomber amoureux de Paris. Prendre sa liberté grâce à Paris. Ils sont nombreux chaque année à quitter leur provine pour monter à Paris. C’est ce que nous raconte en ce début d’année le nouvel ouvrage de Julien Thèves, Les rues bleues, publié aux éditions Buchet-Chastel.
Julien Thèves est né en 1972 à Strasbourg. Il travaille dans le monde de la communication, dans l’édition, à la radio. Il collabore aussi à M, le magazine du monde. Ses textes sont lus au théâtre, adaptés au cinéma et diffusés sur France Culture. Il a reçu le prix Marguerite Duras pour son précédent roman, Le pays d’où l’on ne revient jamais, qui sort en poche en février prochain. Il est également l’auteur de deux ouvrages parus aux éditions Balland, Précarité et Son histoire.
Dans son denier ouvrage, Julien Thèves nous propose d’accompagner son narrateur, "monté" à Paris pour quitter sa province. Cette rencontre amoureuse avec Paris commence en 1989 et se poursuivra jusqu’en 2019. L’histoire est celle d’un jeune provincial qui fuit le cocon familial étouffant et qui, à Paris, va enfin pouvoir être lui-même et s’assumer. Il est un noctambule, un être de rencontres, un gay solitaire ou amoureux parfois. Autour de lui ses amis, eux aussi, évoluent.
En même temps que se dévoile l’histoire personnelle de ce narrateur à Paris, l’auteur en profite pour nous raconter la grande histoire, celle de l’époque qu’il traverse quand il est à Paris. Cette histoire, c’est celle de la fin des Trente Glorieuses, celle de la crise qui s’installe, celle qui voit un fléau apparaître comme le SIDA. Cette période, c’est aussi celle qui voit l’évolution de la famille, entre divorce, famille recomposée et monoparentale. C’est aussi le terrorisme qui vient briser des vies qui n’ont rien demandé, l’écologie qui tente de percer et une société de consommation en pleine expansion avec en plus l’arrivée d’un nouveau moyen de communication, internet.
L’ouvrage déploie un double arc narratif avec des allers-retours entre la vie du narrateur et le contexte historique et social. L’ouvrage nous permet de découvrir Paris, pour ceux qui ne la connaisse pas suffisamment comme c’est mon cas, une ville fascinante, chargée d’histoire. Paris, une ville qui, au fil des décennies, change et reste pourtant la même. Paris, enfin, une ville qui est et reste un personnage à part entière dans ce roman.
Des parenthèses de vie, des petits paragraphes qui s’enchaînent, des moments d’histoires qui s’incrustent. Son arrivée gare d’Austerlitz en 1989, l’année du bicentenaire, Bruel qui chante "Place des grands hommes". On suit le narrateur dans son vécu parisien, ses déménagements, ses déambulations et ses soirées, ses études aussi et les vieilles Renault. On y parle des grandes grèves de 1995 aussi.
Et puis il y a l’arrivée de l’an 2000 qui au final n’a rien d’extraordinaire et on se souvient de tout le tintamarre autour de l’an 2000. La mise en place de l’euro, les prix qui augmentent. Tout cela avec en toile de fond sa sexualité, ou plutôt son homosexualité faite de rencontres multiples, d’amour et de déception.
Alors voilà le nouvel ouvrage de Julien Thèves est un livre sans prétention qui réussit à nous embarquer très vite. Les courts paragraphes qui s’enchaînent donnent un réel rythme à l’histoire de ce jeune qui arrive dans la capitale pour devenir lui-même. Ses péripéties se marient à merveille avec l’histoire sociale et économique des années qu’il traverse. C’est agréable, c’est sympathique, c’est prenant. Tout ce que l’on attend d’un ouvrage lorsqu’on l’ouvre. |