"Étrange figure du monde musical que celle de l’amateur. [...] C’est le médecin supposé jouer du violon (fort bien pour un amateur...) et retrouver d’autres médecins pour déchiffrer des quatuors le dimanche ; c’est le groupe de copains tout fier de ses instruments, qui se fait peur tout seul en imitant ses idoles de rock ; c’est le joyeux sonneur de cuivre, qui déchiffre les transcriptions les plus inattendues avec la même soif qu’il descend ses chopes de bières ; c’est l’adolescent un peu maladroit qui ne sait pas très bien s’il fréquente une chorale pour chanter, ou s’il chante pour fréquenter une chorale..." Antoine Hennion

Il est absolument primordial de toujours promouvoir, mettre en place, aider (pédagogiquement...), diffuser la pratique amateur. Il est important de revaloriser ces pratiques amateurs, qui auparavant renvoyaient à des images négatives. Faut-il rappeler que cette pratique est d’abord l’exercice d’une passion et qu’elle permet de s’épanouir (dans la musique et dans la vie), de participer à cette grande émotion qu'est la réalisation d'une œuvre interprétée pour un public ?

On ne peut donc que saluer que les initiatives qui permettent à tous de s’épanouir musicalement, et artistiquement en règle générale. C’est notamment le cas du musicien et arrangeur Jesse D. Vernon (Morning Star, The Invisble Pair of Hands, The Moonflowers...) avec l’ensemble The Fantasy Orchestra. Un ensemble fondé en 2012 et international puisqu’il se compose de musiciens amateurs (on retrouve tout un tas de métiers différents : journaliste, enseignant, architecte, psychologue, physicien, kinésithérapeute, statisticienne.... plutôt CSP+ mais le débat n’est pas là…) et professionnels résidant en Angleterre et en France.

On sent, naturellement, un sentiment de communauté, un plaisir évident de partage, de travailler et jouer ensemble. Ce qui forme comme le signal Vernon : "une grande famille". Et cet enthousiasme transporte.

Le choix du répertoire est plutôt intéressant ("Love In Outer Space" et "October" de Sun Ra, "The Bear" de Jamie Harrison, "One Rainy Wish" et "Third Stone from the Sun" de Jimi Hendrix ou "The Empty Boat" de Caetano Veloso...), au moins sur ce disque, qui change de ce que l’on retrouve habituellement (Radiohead...). Mais, le plus important, c’est que la qualité musicale, le travail sur les arrangements, sur les interprétations n’est jamais perdu de vue. Et comme le rappelle Vernon : "Tout le monde devrait pouvoir jouer ensemble sur un pied d’égalité, indépendamment du "talent" musical ou du niveau de formation de chacun. On a toujours quelque chose à apprendre les uns des autres, que ce soit en termes de musique qu’en termes d’appartenance à une communauté, quelles que soient nos origines ou nos aptitudes".