Performance plastique conçue et mise en scène par Phia Ménard et Jean-Luc Beaujault et interprétée par Phia Ménard. Une étrange créature masquée d'un loup noir façon Indestructibles pixariens, conquérante rétrofuturiste à la tenue hybride gothico-new fétish évoquant également les female superheroes des comics, contemple avec circonspection les plaques de cartons reposant au sol.
Puis, démarche de cowboy en bottes à boucles et à talon, armée uniquement d'un rouleau de ruban adhésif d'emballage sans même le dévidoir ad hoc, elle part à l'assaut de la matière pour assembler les pièces façon meuble en kit d'une grande enseigne suédoise et ériger un monumental édifice.
Phia Ménard costumée par Fabrice Ilia Leroy endosse cette figure atypique pour "Maison Mère", premier volet du triptyque métonymique "Contes Immoraux" conçu en collaboration avec Jean-Luc Beaujault suite à une commande de la Documenta, la quinquennale d?art contemporain de Kassel.
En effet son intitulé du millésime 2017, "Apprendre d?Athènes", sur le thème de l'Europe face à la crise, une crise politique, économique et migratoire, et sa programmation de rencontres publiques autour du concept d'un "Parlement des Corps" entrait en résonance avec ses fondamentaux "entre gestes politiques, affirmation d'un corps et contradiction des éléments".
Phia Ménard dispense une saisissante performance physique, artistique et plastique ressortant à l'art conceptuel scandée uniquement par ses ahanements et le crissement plastique puis, dans un deuxième temps, le vrombissement d'une scieuse-tronçonneuse.
Et le spectacle est également dans la salle tant sont contrastées les réactions et attitudes, de l'assoupissement à l'ennui, du bâillement au rire embarrassé et de l'attention médusée à la compassion face à cette une entreprise polysémique qui renvoie également tant à la décroissance avec les monteurs de yourte qu'au jeu de construction en bois de l'enfance et à la primordialité architectonique en souvenir d'un Eden disparu.
Mais le brinquebalant monument assemblé de haute lutte connaît un ennemi encore plus puissant que le courroux des dieux ou les velléités guerrières des hommes, celui de la nature et notamment des phénomènes climatiques, telle, en l'occurrence, une pluie diluvienne. Et la bâtisseuse abandonne l'amalgame de carton ramolli qui n'a certes pas pas la grandeur d'une ruine antique.
Tel est le dénouement de ce "conte" voulu comme dépourvu de sentence morale et au dénouement cependant incertain quant à l'éventuelle vocation sysiphienne de la bâtisseuse illustrant, peut-être, une nécessaire tabula rasa. |