Quelques jours avant la réouverture des librairies tant attendue, j’ai continué les lectures d’ouvrages achetés juste avant le confinement. J’étais tombé sur ce tout petit ouvrage à la couverture soignée, dépassant tout juste les cent pages, sur un sujet déjà exploré en début d’année par Vanessa Springora et son ouvrage Le consentement.

Quin, grand éditeur, se retrouve licencié de la maison d’édition New-yorkaise où il travaille depuis de longues années. Il est accusé par plusieurs femmes de conduite "inappropriée". Pourtant, il peine à comprendre ce qu’on lui reproche. Margot est sa meilleure amie. Si elle approuve la punition infligée à Quin, elle ne peut s’empêcher d’y voir une sorte d’injustice.

Au fil des pages se dévoile un comportement de Quin pour le moins particulier vis-à-vis de la gente féminine. Quin aime s’entourer de femmes, il est un séducteur dans l’âme et assez désinvolte. D’un tempérament parfois libidineux, il aime aguicher les femmes pour voir jusqu’où peut aller ses tentatives de séduction. Il pense savoir où s’arrêter évitant les gestes ou les mots compromettants, préférant y placer son charme et son humour pour ne pas les offusquer. Tout cela jusqu'à ce que l’une d’entre elles décide de l’attaquer devant les tribunaux, libérant la voix d’autres femmes se disant / découvrant victimes aussi de cet homme qui perd tout du jour au lendemain.

L’ouvrage est construit autour de deux récits qui s’alternent, avec notamment celui de Quin, sidéré par ce qui lui arrive, qui ne comprend pas, fait semblant de ne pas comprendre, tente de montrer qu’il n’est coupable de rien, essaye de reporter la faute sur les femmes et même la société de l’époque. L’autre récit est celui de son amie, qui ne fait pas que le défendre et ne lui cherche pas toujours des excuses. Elle tente de le défendre car elle le connaît mieux que tout le monde, elle connaît ses immenses qualités mais aussi ses défauts.

La grande qualité de l’ouvrage vient de l’analyse faite par l’auteur de la notion de consentement. Sans aucun manichéisme, sans prendre la défense des hommes ni des femmes et au travers de ce récit percutant à deux voix, elle révèle toute l’ambiguïté de nos comportements. Elle ne cherche à juger personne, juste à comprendre ce phénomène Metoo dont on a beaucoup entendu parler ces derniers temps. Elle tente d’explorer avec talent la frontière, la zone trouble entre le consentement et l’abus.

En recueillant les faits, qui nous sont racontés par les différents protagonistes, elle nous montre diverses attitudes, du déni à la fabulation mais aussi les différents degrés d’acceptation des femmes par rapport aux gestes et aux paroles des hommes, si l’on peut parler d’acceptation évidemment. Et puis il y a aussi celles qui s’inventent victimes, persuadées parfois qu’elles le sont, peut-être pour soutenir les vraies victimes ou faire parler d’elles.

Au final, ce tout petit ouvrage de Mary Gaitskill nous fait beaucoup réfléchir sur ce mouvement Metoo de façon subtile et intelligente. Sans relativiser le comportement déplacé de Quin, elle n’oublie pas de relever les quelques contradictions des femmes qui l’accusent, le tout sous l’œil de la grande romancière qu'elle est.