C’est déjà le deuxième roman que publie aux éditions de l’Antilope le jeune auteur libanais Sabyl Ghoussoub. Né à Paris dans une famille libanaise, ayant fait sa scolarité en France, il a été directeur du festival du film libanais à Beyrouth de 2011 à 2015 puis commissaire de l’exposition "c’est Beyrouth" à l’institut des cultures d’Islam de Paris.
Après Le nez juif, sorti en 2018, il publie un nouvel ouvrage, Beyrouth entre parenthèses, dans lequel son narrateur, un Libanais décide d’enfreindre la loi de son pays et de ne pas suivre l’avis de sa famille en se rendant en avion en Israël, à Tel-Aviv.
Il est en effet interdit à un citoyen libanais de se rendre en Israël pour des problèmes relationnels forts entre les deux pays, notamment au sujet des Palestiniens et des territoires occupés en Palestine. Aujourd’hui encore, l’espace frontalier entre les deux pays porte les stigmates des différents conflits entre les deux pays. Les deux pays sont d’ailleurs toujours officiellement en guerre depuis plus de 50 ans. Malgré tout cela, le narrateur décide de s’y rendre et arrive à l’aéroport Ben Gourion à Tel-Aviv.
Aussitôt débarqué, il se retrouve à subir un interrogatoire qui va durer plusieurs heures, le temps du livre. Les questions fusent et se répètent. Comment s’appelle votre mère ? Comment s’appelle votre père ? Comment s’appelle votre grand-père ? Comment vous appelez-vous ? Bref, tout un ensemble de question qui reviennent comme une berceuse qui voudrait obliger le narrateur à se définir de manière définitive. Lui qui avait pensé faire ce voyage pour mettre de côté sa part libanaise, mettre Beyrouth entre parenthèses se rend vite compte qu’il est loin du compte.
C’est donc un ouvrage plutôt transgressif que nous propose cet auteur qui vit aujourd’hui au Liban, un récit plein d’humour et de tendresse, marqué néanmoins par la colère de cette situation. Après quelques pages d’introduction rappelant l’illégitimité d’Israël pour les Libanais et expliquant les envies du narrateur d’aller en Israël, l’ouvrage est ensuite construit en deux parties (l’ensemble faisant un peu plus de 100 pages se lisant d’une traite).
La première partie intitulé "Kess Emek (your mother’s pussy)" concerne le fameux interrogatoire auquel est confronté le narrateur. Souvent drôle, notamment de par certaines réponses absurdes du narrateur mêlées aussi à quelques provocations, cette partie n’oublie pas de nous montrer l’administration israélienne, extrêmement rigide et bornée. Le narrateur (et l’auteur aussi) prend un malin plaisir à embrouiller son interrogatoire, feignant de ne pas avoir de véritable identité, ce qui n’est au final pas totalement faux puisqu’il est encore balloté entre la France et le Liban.
La seconde partie, intitulé "Fairouz café" s’ouvrant sur une citation disant "les racines sont utiles à deux choses, les fuir et les retrouver" symbolise parfaitement ce que l’on va retrouver dedans, à savoir le choix fait par l’auteur de sa véritable identité qui s’affirme au fil des pages. Il se rend compte qu’il est compliqué pour lui de mettre Beyrouth et le Liban entre parenthèses.
Alors voilà, Beyrouth entre parenthèses est un ouvrage plaisant qui propose une véritable réflexion sur l’identité. |