Réalisé par Benoît Delépine et Gustave Kervern. France. Comédie. 1h46 (Sortie 16 août 2020). Avec Blanche Gardin, Denis Podalydès, Corinne Masiero, Vincent Lacoste, Benoît Poelvoorde, Bouli Lanners, Vincent Dedienne, Philippe Rebbot et Michel Houellebecq.
Si l'on regarde l'affiche d'"Effacer l'historique" de Benoît Delépine et Gustave Kervern, les trois héros sont masqués par leur portable. Tourné avant l'arrivée du virus, le film ne pouvait évidemment pas railler ce nouvel élément survenu depuis quelques mois.
Mais, à part ce masque, qui – on peut le parier - en prendra pour son grade dans leur prochain film, Delépine et Kervern ont accumulé tout ce qui fait la modernité d'un siècle qui fête assez tristement ses vingt ans...
Smartphone et Smart à quatre roues, Call centers et Data centers, Uber et éoliennes, tout est là et prétexte à gags pour rire ou pour pleurer... de rire.
En ces temps où la morosité est médiatisée, cette comédie touffue et roborative a tout pour ramener un large public dans les salles obscures. Comment ne pas avoir envie de découvrir ce trio composé d'un acteur classique qui sait jouer les déjantés, une humoriste dont le passage à l'écran est intriguant et une actrice populaire en train de devenir un monstre sacré ?
Certes, il ne faut pas exagérer et ne pas sortir les super superlatifs : les deux compères, qui en sont à leur dixième long métrage commun, restent des bricoleurs plus capables d'aligner les sketchs que de bâtir un grand film rigoureux.
Mais on ne les en blâmera pas. On les connaît et on sait qu'ils préfèrent en dire trop que pas assez, au risque parfois de rater une cible pour s'être aventuré un moment à côté de la plaque et avoir frisé le grand n'importe quoi. Tant pis, ils viseront juste à la minute suivante.
Ainsi, comme d'habitude, le film sera parsemé d'apparitions et l'on pourra trouver que l'ami Benoît Poelvoorde cabotine beaucoup ou que Michel Houellebecq a été meilleur en Droopy alcoolisé.
Marie (Blanche Gardin), Bertrand (Denis Podalydès) et Christine Corinne Masiero) se sont rencontrés sur un rond-point à la grande époque des Gilets Jaunes, alors qu'ils étaient quasiment voisins dans un lotissement de maisons individuels, toutes semblables et abritant des vies très ressemblantes.
Ce que raconte "Effacer l'Historique" de Benoît Delépine et Gustave Kervern, c'est l'avènement du fameux "monde d'après" qui succède à ce court moment heureux et solidaire que nos héros vont payer plus que cash.
Et ce n'est ni trahir les réalisateurs ni trahir les acteurs que de dire qu'il n'est pas vraiment folichon ce "monde d'après" où le chacun pour soi est inhérent à la technologie, une technologie perverse qui cache à chaque fois un biais énorme pour attraper les surconsommateurs...
Premier film de fiction à la gloire des gilets jaunes et à la répression mentale qu'ils ont subi, "Effacer l'historique" de Gustave Kervern et Benoît Delépine fera beaucoup parler, à tel point qu'on pourrait le présenter comme un "flm-débat".
Il reste cependant un film qui cache son désespoir sous une avalanche de gags. Si les ronds-points ont été débarrassés de toute trace des cabanes fraternelles construits par des gens pareils aux trois loustics du film, leur historique, lui, est loin d'avoir été effacé.
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