Comédie dramatique de Lars Norén, mise en scène d' Yvan Garouel avec Alexandre Barbe, Patrice Melennec, Julie Ravix et Jean Tom.
Pièce autobiographique de la grande tradition théâtrale suédoise d'exploration de la névrose familiale écrite par Lars Noren, poète, romancier, directeur artistique d'une des troupes du Théâtre national itinérant Riksteatern et auteur dramatique néo-réaliste jouissant d'une grande renommée en Europe, "La nuit est mère du jour" ne pouvait que séduire et inspirer Yvan Garouel, acteur et metteur en scène, l'un des mousquetaires de la Compagnie du Théâtre Vivant.
"L'enfer c'est les autres" écrivait Jean-Paul Sartre mais c'est aussi et d'abord la famille, creuset névrotique s'il en est, dont Michel Foucault disait "La famille névrotique, c'est-à-dire la famille tout court" et surtout quand il s'agit d'une famille paradoxale qui freine les possibilités d'individualisation de ses membres.
Ils ne peuvent se séparer et exister individuellement, ce qui est source d'angoisses, et pourtant chaque fois qu'ils sont en présence surgissent des conflits violents, source de souffrances.
Face au père alcoolique qui impose une identification négative, la mère n'oppose qu'une figure de mater dolorosa domestique proche de l'autodestruction. Le fils aîné, violent et dominateur, s'érige en contre figure paternelle et s'évertue au chantage du départ mais ces velléités éphémères entraînent des réactions violentes et le cadet, adolescent en quête d'identité, alterne la soumission qui lui apporte un réconfort temporaire et les accès de furie oedipienne.
D'une écriture est fine, précise, ciselée, radicale, tranchante comme le rasoir, Lars Noren dissèque ce huis clos familial avec un réalisme tragi-comique souvent effrayant et toujours bouleversant.
Les protagonistes réitèrent à l'envi les mêmes comportements dans une sorte de ronde de mort. Demain sera-t-il pareil qu'aujourd'hui? Peut être pas se prend-on à espérer en voyant les deux frères jouer ensemble du saxophone. Yvan Garouel a su amener les comédiens à investir des personnages tourmentés, à la fois victimes et bourreaux, soumis à une alternance épuisante de dépressions et d'excitations violentes. Des comédiens tout à fait remarquables dont il faut saluer la grande capacité à donner vie, âme et cœur à l'autre, notre semblable.
Un spectacle totalement indispensable. |