Voilà un ouvrage que j’avais très envie de lire pour mieux appréhender ce concept d’assimilation qui fait débat dans l’opinion publique et sur les plateaux TV autour d’intervenants qui très souvent n’y connaissent rien et racontent n’importe quoi avec plein de certitudes.
Au-delà des polémiques régulières, que sait-on finalement de l’assimilation et de son histoire ? La pratique qui consiste à exiger de l’étranger qu’il devienne un semblable remonte à l’Antiquité, et n’est ni le privilège d’un pays, ni d’une époque.
L’ouvrage de Raphaël Doan, agrégé de lettres classiques, connu pour avoir écrit l’excellent Quand Rome inventait le populisme, est le premier à nous proposer une histoire globale de l’assimilation. L’ambition de cet ouvrage est de nous offrir un panorama des pratiques d’assimilation à travers l’histoire, de l’Antiquité à nos jours, de l’Europe à l’Amérique, du Japon à l’Arabie, des grands empires aux pays d’immigration.
Après une longue et passionnante introduction nous rappelant ce qu’est l’assimilation, où l’on apprend notamment qu’elle est inscrite dans la loi, dans un article du Code civil toujours en vigueur ; l’auteur nous montre qu’elle connut son heure de gloire sous la Troisième République avant d’être remise en question dans les dernières décennies du 20ème siècle. Il nous explique alors ce qu’est l’assimilation mais surtout ce qu’elle n’est pas. Une question se pose rapidement : pourquoi assimile-t-on en voyant au passage l’importance des mœurs dans ce questionnement ?
La suite de l’ouvrage est alors construite autour de sept chapitres qui se referment sur un dernier questionnement autour de la réhabilitation de l’assimilation. Le premier chapitre concerne l’hellénisation du Proche-Orient, l’attitude des Grecs face à l’étranger, notamment du temps d’Alexandre mais aussi après avec ses successeurs. On perçoit le cas particulier de l’Egypte s’agissant d’assimilation, la culture égyptienne faisant figure d’opposée par rapport à celle de la Grèce quand celle des Phéniciens en était beaucoup plus proche.
Un chapitre est évidemment consacré à Rome et aux Romains qui, contrairement aux Grecs, entretinrent dès l’origine une conception universaliste des rapports humains ; il nous montre que les outils et les stratégies adoptés par les Romains pour influer sur les mœurs des provinces conquises pouvaient varier selon les territoires et les époques.
Parmi les chapitres qui m’ont le plus intéressé se trouve le troisième intitulé, une religion assimilatrice, l’islam des premiers siècles. On apprend l’origine du mot "arabe", appréhende parfaitement la différence entre islamisation et arabisation tout en comprenant que les deux sont difficilement séparables.
Deux chapitres sont consacrés à la France, un autre au Japon et un dernier à l’américanisme. A chaque fois, l’auteur déploie un torrent d’érudition passionnant qui nous permet d’apprendre de nombreuses choses concernant l’assimilation.
Un fait se dégage : même si elle se révèle parfois contraignante, l’assimilation est toujours associée à l’universalisme, tandis que le refus de l’assimilation a souvent partie liée avec le racisme ou la xénophobie. Loin d’être synonyme de repli sur soi, l’assimilation se révèle historiquement le propre des sociétés ouvertes.
En creux, ce sont les problématiques de notre époque, marquée par les défis migratoires et la mondialisation, que ce livre cherche à éclairer. Faut-il chercher à rendre nos sociétés diverses plus homogènes ? Quel type de culture, quel rapport à nous-mêmes et à autrui voulons-nous ?
Alors voilà, l’ouvrage de Raphaël Doan est tout simplement génial pour la simple raison qu’il est très accessible en termes de lecture, il ouvre à la réflexion et au débat de manière intelligente sur un sujet extrêmement important dans nos sociétés actuelles. C’est de nouveau une très belle publication proposée par les éditions Passés Composés. |