Comédie dramatique de Denis Lachaud, mise en scène Pierre Notte, avec Benoit Giros et Judith Rémy. Elle a cinquante ans, elle est veuve. Il a le même âge, il est divorcé. Ils auront mis le temps d'avoir envie d'une nouvelle histoire pour se rencontrer par la voie désormais sacrée d'un site de rencontres. Stéphanie (Judith Rémy) et Matthieu (Benoît Giros) vont vivre leur seconde vie amoureuse avec les blessures e les leçons de leur première vie. Il faudra de la patience, de la liberté et surtout éviter d'en revenir au schéma d'une vie commune pure et dure. C'est Stéphanie qui va fixer les règles : le destin l'a privé de son mari et elle a longtemps pensé qu'elle serait à jamais prisonnière de son deuil. Elle a franchi tardivement le pas vers une autre vie et refuse que celle-ci prenne la forme de la première. Matthieu, par manque de confiance en lui, rêve d'un lien rassurant, formel, comme se marier ou faire maison commune. Qu'adviendra-t-il d'eux alors que leurs corps sont à l'unisson ?
Le propos de Denis Lachaud, surtout connu pour ses romans ("J'apprends l'Allemand"), est simple et son théâtre tout en finesse narrative pourrait s'approcher, le pathos en moins, des "scènes conjugales" d'Ingmar Bergman. Pierre Notte s'est amusé, dans sa mise en scène, à suivre leurs tâtonnements en contraignant les deux acteurs à changer sans cesse leur canapé de place. Pareillement, ils passeront leurs temps à prendre dans la penderie au centre de la scène des vêtements, à les ôter, à les mettre, à les ranger. Les deux quinquagénaires se cherchent constamment, avec la volonté de construire une relation intense et jamais routinière, où l'amour physique ne s'effacerait pas peu à peu au profit d'une union spirituelle. Quand Denis Lachaud les fait parler, Stéphanie est la plus explicite. Ce qu'elle dit pourrait être écrit par Annie Ernaux. Elle a voulu quitter son milieu populaire, au point de s'en croire traître. Elle a beaucoup travaillé pour cela, et quand elle pensait y être parvenue, la mort de son mari a tout fait s'effondrer, l'a plongé dans une solitude "sociologique". De Matthieu, on ne saura que les peurs, les inhibitions de grand timide jamais guéri. Portés l'un et l'autre par deux comédiens à leur meilleur, les deux personnages, parfaitement dessinés par Denis Lachaud, sont limpides dans leurs sentiments. "Jubiler" est un torrent d'émotion maîtrisé, une immersion sans clichés dans la cinquantaine qui n'est pas ici la porte d'entrée vers la vieillesse mais celle qui permet, au contraire, d'accéder à une maturité heureuse pleine de potentiels inexplorés. |