Après la claque reçue par la lecture du premier ouvrage publié en France de Chris Kraus, un certain La fabrique des salauds, j’avais hâte de lire un autre ouvrage de cet auteur allemand qui nous avait offert un roman d’une grande ambition, salué par la critique.
Ce dernier ouvrage, au titre particulièrement original, mais surtout plutôt provoquant brille par sa légèreté et la fantaisie quand son précédent roman se caractérisait par sa gravité. Ici, c’est un roman plutôt puissant et drôle qu’il nous propose, raconté sous la forme d’un journal posthume, dans lequel Chris Kraus poursuit son exploration de ces familles qui sont hantées de fantômes nazis. Le tout sur un fond d’hommage au cinéma et à la scène artistique et littéraire des années 90.
Au cœur de cet ouvrage se trouve un jeune étudiant Berlinois, un certain Jonas Rosen qui cherche dans le New-York des années 90 l’inspiration au film qui doit lui servir de projet d’études. Là, dans un quartier malfamé où résonnent encore les pas de Kérouac et Ginsberg, Jonas fait des rencontres surprenantes comme celle avec Jeremiah, ponte du cinéma, obèse et dépressif, qui l’introduit dans le milieu de l’underground. Il rencontre Nele aussi, une étudiante allemande qui deviendra un temps sa muse.
Ce que tente d’oublier Jonas, c’est Mah, son amour mythomane et jalouse, restée à Berlin mais aussi Paula, une tante qui vit à New-York et qu’il refuse de voir, tant il cherche à échapper à son histoire, une histoire familiale complexe et terrible autour du nazisme, qui ferait pourtant un sujet idéal pour un film. Son grand-père qu’il aimait beaucoup fut un chef SS, responsable de la mort de nombreux juifs en Lettonie. Un grand-père qui a sauvé Paula de la mort. Une histoire de grand-père qui hante l’œuvre de cet auteur puisque le précédent ouvrage parlait déjà de son grand-père.
L’histoire nous est donc racontée par la fille du narrateur qui dès le début de l’ouvrage nous explique son choix, en moins de trois pages, de publier le journal de bord de son père, tenu pendant son voyage à New-York. Jonas nous le dit dès les premières pages, il ne veut pas faire "un film à la con sur les nazis", il préfère s’orienter sur un film sur le sexe (mais sans sexe).
Même si j’ai apprécié l’humour de cet ouvrage et les passages parfois hilarants, je dois bien avouer que j’ai quand même préféré La fabrique des salauds qui malgré sa densité importante m’a beaucoup plus intéressé. Baiser ou faire des films reste une rafraîchissante lecture qui croise plusieurs histoires dans l’Histoire, nous faisant rencontrer des personnages extravagants.
De la dérision et une bonne dose d’humour, il n’en faut pas plus pour avoir la sensation d’avoir lu, non pas l’un des livres de l’année, mais un bon bouquin d’un auteur que je vais continuer de suivre car je m’interroge sur le sujet qu’il pourra prendre pour son prochain roman. |