L’effet waouh des zones côtières
(Institut / Rouge Déclic) mars 2021
L’effet waouh des zones côtières est un florilège d’idiomes qu’on se plaît à répéter, sensés nous rassurer ? Ou nous alarmer encore un peu plus ? Ces petites phrases toutes faites tellement répétées qu’elles se vident de leur sens. Exemple : Prenez-soin de vous. Arnaud Dumatin et Emmanuel Mario sont les joyeux intrigants d’Institut, entre synthétiseurs et basses avec la voix de Nina Savary.
"Un agent assermenté à mauvaise haleine t’a dit, c’est fini la bamboula, activité non essentielle, restez chez vous […] l’état d’urgence, une expérience cocooning pour toute couche sociale."
Du second degré et l’ironie d’un "on n’est pas prêt sur le feedback, faut benchmarker le process, pensez à out of the box, on est sur un business model en open data avec une target en n+1", L’effet waouh des zones côtières est le troisième album du groupe. Et il serait "habité par la crise sanitaire"… J’avoue, je me suis murmuré un lamentable "et m… encore un plaignant".
Oui mais non, un plaignant magnifique, de ceux qui tirent la langue avec panache et se drapent dans une raillerie pétillante, le sourire en coin et l’œil aiguisé, second degré quand tu nous tiens. Sensible et intelligent, l’album interroge sur les travers de la société, sur ce que nous faisons plus par habitude que par conviction, Arnaud Dumatin et Emmanuel Mario reprennent la syntaxe des frétillants businessmen, heureux de vomir un jargon comme on étale la confiture sur une tartine, n’importe comment.
"L’amour s’est présenté à moi avec sa démarche qualité" ("L’effet waouh des zones côtières")
Institut zoome les détails mercantiles de notre bonne vieille société de consommation, à grand coups de marquages au sol et de culottes haute couture, l’album est un résumé anthropologique des relations humaines cheloues, reloues et jamais spontanées (surtout pas !), des moutons qui bêlent avec la meute. Ça me fait penser aux quarante-huit likes d’un boudin aux pommes face aux deux likes et demi d’un nouveau clip.
Les textes sont omniprésents, mais ils ne sont pas seuls. Les morceaux sont également des invitations à la dodeline discrète, certaines introductions ressemblent à des sonneries deux tons, sorte d’échauffement avant d’élancer ses membres dans plusieurs directions pour une lubrique imitation d’étirements pilates. Institut invite à glisser sur le parquet, à tournicoter dans les allées et à sautiller sur les pavés, sans toucher les rouges.
Si vous n’êtes pas insensibles au charme d’une galerie marchande, aux masques grands publics homologués par la SPA, si vous pensez aussi que les animaux se marrent dans notre dos en ce moment avec nos "bah t’es trop prêt, mouche-toi dans ton coude enfin, et fuck le masque, je sens mon haleine", si les DJ sous MDMA et les coachs en éveil de conscience vous fascinent, vous ne serez pas insensible à Institut. Piquant et croustillant avec un chouilla de mélancolie sous les sombreros (nourris aux graines sans pesticides).
"Je suis prêt à une relation sexuelle non tarifée avec un agent immobilier de la première couronne". Ambiance décomplexée et crue de la romantique réalité des twits likés sous filtre sans paraben. Fun.
Tout fout le camp en ce moment. En attendant des jours meilleurs, accrochons nous et noyons notre chagrin dans la culture !Cc'est parti pour le sommaire de la semaine en commençant par le replay de la 63eme Mare Aux Grenouilles.