"Gottschalk fait partie du très petit nombre de ceux qui possèdent tous les différents éléments d'un pianiste achevé, toutes les facultés qui l’entourent d'un prestige irrésistible et lui confèrent un pouvoir souverain. Il est musicien accompli ; il sait exactement comment la fantaisie peut être tolérée dans l’expression. Il connaît les limites au-delà desquelles quelque liberté prise avec le rythme en produit que confusion et le désordre, et jamais il ne les franchit. Il y une grâce exquise dans sa manière de phraser des douces mélodies et de jeter sur les touches des passages légers du haut du clavier. L’audace, la brillance, l’originalité de son jeu éblouissent et étonnent." Berlioz

C’est donc à un dialogue que nous convie le compositeur-arrangeur, trompettiste et ethnomusicologue : Yohan Giaume. Un dialogue, ou des dialogues entre Louis Moreau Gottschalk et lui, entre le XIXème et la période actuelle, entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique avec comme point central : la Nouvelle-Orleans. Entre des musiciens, forcément aussi. Et le résultat est superbe.

Un peu oublié de l’histoire de la musique, Louis Moreau Gottschalk est pourtant l’un des pères de la musique américaine. Né à la Nouvelle Orléans en 1829, Louis Moreau Gottschalk prend jeune des leçons de violon, d’orgue et de piano avec François Letellier, organiste, chef de chœur et répétiteur au Théâtre de La Nouvelle Orléans.

Enfant prodige, il est envoyé à Paris en 1841, afin d'y parfaire ses études musicales. Les portes du Conservatoire restent fermées devant lui. Le directeur Pierre Zimmerman lui reprochant vivement ses origines créoles. Il prend alors des cours de piano avec Charles Hallé puis Camille Stamaty et des cours de composition avec Pierre Maleden.

Pianiste virtuose, il donne, triomphalement, son premier grand concert chez Pleyel en 1845, où il interprète des œuvres de Liszt et le Concerto en mi mineur de Chopin. Il y rencontrera Chopin, Berlioz, Kalkbrenner, Berlioz, Victor Hugo, Théophile Gautier, Eugène Delacroix.

Après de nombreux concerts couronnés de succès en Europe il retourne aux États-Unis. Il effectuera ensuite une tournée dans les Caraïbes, avant de s’installer quelques années à Cuba avant de repartir en tournées aux États-Unis. Il meurt de la syphilis au Brésil en 1869. Sa carrière souffrit très largement (moins de travail personnel, perte de technique, concerts ratés, mauvaise réputation...) de son appétit, maladif mais assumé, pour les femmes.

Sa musique est influencée par les concerts donnés dans les rues et places de La Nouvelle Orléans qu’il pouvait entendre jeune avec, Sally, sa gouvernante africaine, par les rythmes syncopés, les mélodies, les harmonies des musiques latines, caribéennes, afro-américaines qu’il n’hésitera pas à réutiliser dans sa musique et dans ses improvisations.

C’était donc un compositeur multiple auquel répond ce disque multiple. Un disque réalisé avec de nombreux musiciens aux origines diverses : États-Unis, France, Martinique, Guadeloupe (Evan Christopher à la clarinette (avec un son !), Aaron Diehl au piano, Herlin Riley à la batterie, Roland Guerin à la basse, Tristan Liehr et Louis-Jean Perreau aux violons, Emmanuel François à l’alto et Thomas Ravez au violoncelle mais également Nicholas Payton à la trompette et Chuck Perkin...).

Whisper of a Shadow, Musical Conversations with Louis Moreau Gottschalk est un ambitieux projet où Yohan Giaume mélange très beaux arrangements de Gottschalk : "Le poète Mourant" ("The Dying Poet"), "Mascarade" (le banjo), musique traditionnelle ("Lisette") et compositions personnelles. Un disque intense, où se mêle, raffinement, sophistication, poésie, pertinence du propos, diverses esthétiques (swing, blues, jazz, fanfare new-orleans...), on l’aura compris et virtuosité. Une merveille !