Ce n’est pas un roman que nous proposent les éditions Les Avrils mais une enquête, incroyable et passionnante, conduite par Suzanne Privat, une femme qui vit dans l’est de Paris, au cœur du quartier où une communauté se perpétue depuis le 19ème siècle.
Durant un an et demi, l’auteur qui publie son premier ouvrage a passé au crible les archives et les réseaux sociaux, arpenté la ville, rencontré des témoins pour enquêter sur cette communauté de trois mille personnes écartelées entre croyances archaïques, dérives sectaires et soif d’ouverture.
Tout commence de façon un peu anecdotique lorsque sur les photos de classe de ses enfants, l’auteur repère des élèves qui se ressemblent, qui portent les mêmes habits, qui ont les mêmes noms. Dans le quartier du 20ème arrondissement qu’elle habite, on entend dans les cafés des rumeurs à propos de ces intrigants voisins en retrait de la vie du quartier. Ces personnes, on les remarque sans les connaître, eux qui cherchent à ne pas se mêler aux autres. On les appelle aussi les cousins.
L’auteur va enquêter, observer, fouiller, chercher, interroger. Elle va alors remonter l’histoire d’une famille sidérante, un peu comme on construirait un puzzle. Depuis 200 ans, huit familles ont décidé d’unir leur destin pour n’en former qu’une, soudée par la religion, le secret et des règles de vie strictes. Entre eux, ils se nomment "La famille".
Dans cette communauté qui rassemble plusieurs milliers de personnes, on habite les mêmes immeubles, on s’épouse entre soi. Les règles y sont nombreuses, les vies toutes tracées. Il y aussi les fêtes, la solidarité. Ceux qui veulent s’affranchir sont contraints de partir.
Vous l’imaginez donc bien, cette structure familiale particulière vieille de deux cent ans se traduit par des mariages arrangés, de la consanguinité et des enfants qui naissent avec des problèmes de santé et / ou des malformations.
L’univers de ce groupe social que l’on découvre au fil des pages fait très souvent froid dans le dos, nous dévoile des faits ahurissants et nous montre un mode de vie totalement hors de notre époque avec des gens vivant en vase clos refusant de se mélanger avec la population parisienne. Les moyens contraceptifs sont interdits, le divorce n’existe pas quand l’alcool est devenu quasiment une religion, même pour les plus jeunes qui s’en imbibent dès leur plus jeune âge.
L’auteure nous montre aussi les mœurs déviants de cette communauté dans laquelle la violence et la maltraitance sont monnaie courante tout comme les abus sexuels. C’est au final incroyable d’apprendre cette présence communautaire rassemblant un si grand nombre de personnes dans le Paris intra-muros mais surtout en France.
J’ai donc pris beaucoup de plaisir à lire cette enquête d’Anne Privat sur cette communauté très discrète de Paris. C’est vraiment un ouvrage surprenant, différent des premières publications des Avrils, qui traite d’un sujet incroyable en le rendant particulièrement passionnant. |