J’ai découvert le phénomène littéraire Kae Tempest en janvier 2018 au détour de son superbe ouvrage, Ecoute la ville tomber publié chez Rivages, un roman urbain aux airs de tragédies antiques. Cette jeune londonienne qui s’était fait remarquer sur la scène alternative anglaise, écrit des poèmes, des pièces de théâtre. Elle a aussi fait deux albums et écrit une chanson qui a fait le tour du monde "Europe is lost".
La voilà donc de retour depuis avril avec deux projets, un récit poétique publié chez L’Arche éditeur et cet ouvrage, Connexion, publié chez L’Olivier, traduit de l’anglais par Madeleine Nasalik. Tempest a donc rejoint l’Olivier pour nous proposer un texte à part, un essai personnel, une défense et une illustration de la culture. Kate n’est plus, elle est devenue Kae, l’explication nous étant donnée dès le début de l’ouvrage. En 2020, Kate Tempest a rendu publique sa décision de se définir comme non-binaire, prenant le nouveau prénom de Kae. Ce qui a entrainé un travail particulier de traduction expliqué au début de l’ouvrage par Madeleine Nasalik. Kate n’est donc plus, vive Kae !
Connexion, commencé avant l’intrusion de la Covid dans nos vies, puis achevé alors que salles de concert, théâtres et cinémas devaient garder portes closes, est une réflexion sur notre rapport à l’art et à la création.
Kae y fait l’éloge du temps long, de l’introspection, de la fragilité, d’une forme de silence nécessaire dans un monde saturé de bruits et de sollicitations. Elle évoque son éveil à la musique puis à la littérature, devenues nécessaires à son équilibre. On retrouve dans ce livre tout ce qui fait sa force : une voix qui porte, une voix qui cogne aussi et une grace hors du temps.
L’ouvrage a donc une dimension autobiographique puisque Kae Tempest nous parle beaucoup d’elle après nous avoir expliqué comment et pourquoi l’art et la culture sont essentiels dans toutes nos sociétés. Son texte prend une dimension encore plus importante en ce moment où les lieux de culture sont fermés sans que nos gouvernements s’en émeuvent vraiment.
De son expérience elle nous raconte comment l’art a changé sa vie, qu’il est un formidable moyen de se connecter, de se reconnecter aussi, à nous-mêmes, aux autres, à la réalité, pour que jaillisse l’étincelle vitale de la création. Elle nous parle de la scène, son terrain de prédilection qu’elle ne prend jamais à la légère. Elle, qui écrit de la poésie qu’elle dit en public, elle, la performeuse incroyable, qu’elle se trouve dans un bar, une salle de spectacle ou dans une galerie d’art. L’art qui l’a sorti des maux qui la dévoraient lorsqu’elle était plus jeune.
Tout ce que nous raconte Kae dans cet ouvrage est beau, son écriture est superbe, mêlant poésie et réflexion d’une rare intelligence. Elle fait partie de ces écrivains à part qui transforment tout ce qu’ils touchent en diamant brut.
Si vous ne connaissez pas encore Kae Tempest, il est grand temps de rattraper votre retard en lisant cet ouvrage, en lisant son roman et en allant l’écouter. Vive Kae ! |