Derniers jours d’un monde oublié a remporté le concours des vingt ans de la collection Folio SF. Sans préjuger de la qualité de ses concurrents, le fait est que cette distinction est amplement méritée. Tant par la forme que par le fond ce livre, bien que très ambitieux, est une incontestable réussite.
L’argument de DJMO est simple : un monde insulaire se trouve perturbé jusqu’à l’effondrement par l’arrivée inopinée d’étrangers. Cette civilisation, coupée du monde extérieur, possède ses rites et sa propre magie. Une monarchie décadente y gère la ressource en eau tout en s’opposant politiquement à une forme de religion naissante et corrompue.
Les personnages sont volontairement archétypaux (pirate, sorcière, reptiles anthropomorphes, etc.) mais jamais caricaturaux. Car toujours en décalage avec le traitement qui leur est ordinairement réservé dans la littérature de genre. Ce syncrétisme de références enrichit le récit sans jamais le dénaturer. Car mis au service d’un scénario très travaillé et une forme originale où tout s’homogénéise parfaitement.
La structure par points de vue successifs des personnages principaux, et l’insertion de fac-simile de documents "autochtones" (articles, archives, publicité…) dynamisent la lecture, tout en apportant quelques respirations bienvenues.
Tout ceci apporte une cohérence qui semblait presque illusoire à la lecture de la quatrième de couverture. Le style de Chris Vuklisevic est au diapason. Clair et limpide. Il sert parfaitement un texte d’une grande richesse scénaristique et contribue grandement à un réel plaisir de lecture.
Les lieux et protagonistes sont rapidement dessinés, et donnent l’illusion troublante d’être intimement connus et aimés de l’auteure (ou autrice). En quelques pages cet univers fantastique devient crédible. Sa géopolitique semble naturelle. Sa magie nous apparaît comme parfaitement envisageable. Sa violence physique, sociale ou morale nous apparaissant soudain presque familière.
Les thèmes abordés par Derniers Jours d’un monde oubliés sont nombreux et ambitieux. Délicatement et sans manichéisme benêt y sont (entre autres) abordés l’acculturation, le féminisme, la filiation, la religion ou le capitalisme.
En un peu moins de 350 pages, c’est tout un monde et son Histoire qui se déploient devant le lecteur sans qu’il ne perde le fil d’un récit riche en rebondissements, profond et jamais ennuyeux. Une telle réussite (pour un premier livre) n’est en aucun cas un accident. C’est donc un réel (car trop rare) plaisir d’assister à l’éclosion d’une auteure puissante et talentueuse.
Chris Vuklisevic tient bon la barre de son vaisseau et nul doute que nous l’accompagnerons volontiers au-delà de l’horizon de son imagination. Il faudra désormais compter sur ce nom, et pas uniquement dans le genre de la fantasy.
# 21 avril 2024 : Des beaux disques, des beaux spectacles, une belle semaine
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