Considéré comme le fondateur de la joaillerie contemporaine, l'artiste-joaillier Jean Vendome, alias d'Ohan Tuhdarian décédé en 2017, figure en place d'honneur, notamment avec "L'Arbre aux tourmalines", dans l'exposition "Pierres précieuses" organisée par le Muséum d'Histoire naturelle et la Maison Van Cleef & Arpels.
Et concomitament se tient l'exposition monographique "Jean Vendome, Artiste Joaillier" à l'Ecole des Arts Joailliers conçue sous le commissariat de Sophie Lefèvre, historienne de l'art et responsable de la communication du Centre de recherche et de restauration des musées de France.
Elle a sélectionné un florilège de plus d'une centaine de pièces pour rendre hommage à son processus créatif atypique et novateur qui, pendant sept décennies à partir de 1950, se situe entre le bijou d'artiste qualifié de sculpture miniature et la Haute joaillerie dont il bouscule, et sans dogmatisme, les codes dans le sens de la modernité. Jean Vendome : "Servir les pierres sans les trahir" Telle est sa devise pour sublimer les pierres, ses pierres de prédilection, les pierres naturelles non taillées qui comportent tant des irrégularités que des inclusions, qualifiées de "fantômes", considérées comme des défauts qui l'inspirent. Dans une scénographie épurée d'écrin noir réalisée par Martin Strouk et Benjamin Robic, la monstration s'articule autour de la pièce remarquable et joyau symbolique que constitue l'épée d'académicien. Jean Vendome en a créé neuf dont la première pour l'éléection à l'Académie française de l'écrivain Roger Caillois, qui deviendra son ami, présentée en ouverture d'exposition et celle, en or blanc, diamant et quartz transparent, de Robert Marjolin membre de l'Académie des sciences morales et politiques installée en juin.
A son actif, une production estimée à environ trente mille bijoux initiée avec la ligne "Pépite" résultant d'une création de boutons de manchette pour Jean Cocteau qui utilise l'or dans sa forme première ou martelée (avec émeraudes et diamants pour le collier "Cratère") .
Et le visiteur va apprécier la (dé)monstration en treize vitrines du talent exceptionnel de Jean Vendôme qui réussit la quadrature du cercle avec l'ancrage dans le réel et l'exaltation poétique dans une approche créatrice qui se situe entre le bijou d’artiste, sculpture miniature mobile, et le métier d'art auquel se rattache la haute joaillerie.
Avec une création qui n'est pas totalement déconnectée des mouvements stylistiques en matière d'arts décoratifs, auxquels sont rattachés les métiers d'art de la joaillerie, telle l'influence de l'épure abstraite du Bahaus avec les bagues de la série "Tour"
Sous le tropisme de la flamboyance, avec un goût affirmé pour les contrastes et la polychromie, ses postulats de travail se déclinent en deux points : d'une part, l'observation de la nature, pour le collier "Envol" avec un couple d'oiseaux suspendus aux nuages, du potentiel des pierres organiques telle l'ambre et le corail, et de la vie qui génère des images analogiques et des émotions.
Ainsi le corail ("colliers "Odyssée" et "Fidji" ) mais aussi les coquillages et crustacés utilisés dans de superbes compositions ou en majesté comme les pinces de crabe (les colliers "Le Dormeur" avec son pendant de grenats et "Rencontre" en association avec le lapis-lazuli).
Dans la collection "Nocturne", il crée des bijoux-paysages inspiré de la diffraction des lumières dans Paris la nuit qui évoque l'abstraction lyrique du peintre Georges Mathieu. Car l'ouverture au monde et aux êtres sont autres sources d'inspiration, celles des hommes et des rencontres comme avec l’explorateur Paul-Emile Victor d'où naitra la collection "Boréale" en chromatique polaire avec or blanc et améthyste, voire des événements historiques comme la conquête spatiale qu'il traduit dans les collections "Constellations" et "Espace".
D'autre part, comme l'indique la première section "S'affranchir des règles", l'innovation qui se décline, entre autres, par le renouvellement des formes et des techniques, notamment avec le bijou polyvalent, collier et bracelet pouvant se porter en bague ou broche, la base carrée de l'anneau de la bague et l'assemblage en cascade comme dans la collection "Promenades irréelles" avec l'agate, une de ses pierres de prédilection, en cascade, assemblage qui préside à la série"Tippy".
Une exposition passionnante dont chaque pièce ouvre sur l'imaginaire avec des pierres immortelles comme l'indiquait Jean Vendome, des "fragments d'éternité" ayant traversé les siècles et les millénaires et racontent l'Histoire de la Terre.
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