Gerry (Music Inspired by the Motion Picture)
(Night-Night Records / Patchrock) juin 2021
Ce n’est peut-être pas le film le plus connu de Gus Van Sant, sorti entre Finding forrester et Elephant.
Gerry, c’est un film co-écrit avec Casey Affleck et Matt Damon, qui en sont aussi les acteurs et qui s’appellent tous les deux… Gerry. Deux gars paumés dans un désert. Un drôle de film étrange et contemplatif.
Un film d’un genre qui se prête plutôt bien au jeu du ciné concert et c’est dans ce cadre là que Ô Lake aka Sylvain Texier a démarré son projet qui a donné naissance à cet album logiquement intitulé Gerry. Voilà pour la mise en situation.
Alors vous allez me dire : "oui mais un ciné concert c’est bien si on a le film qui va avec". C’est vrai, c’est un plus. Mais sincèrement, même si vous n’avez pas le contexte concernant la façon dont cet album a été écrit et pourquoi cela ne posera AUCUN problème pour l’apprécier à sa juste valeur.
Néanmoins, si vous avez la chance de voir ce ciné concert un jour (je ne sais pas s’il sera rejoué ceci dit), cela apporte bien entendu une dimension supplémentaire à l’ensemble.
Ceci dit, écouter la musique de Ô Lake, même sans image reste un voyage magnifique. Estampillée néo-classique, la musique de Ô Lake est au-delà des étiquette une musique qui invite au voyage autant qu’à la contemplation. Une évasion immobile et sans le support du film, c’est notre imagination qui accompagnera les mélodies élégantes et faussement minimalistes. Une progression lente de quelques notes égrainées vers un assourdissant tonnerre, sans l’avoir vu venir comme sur "In Circle" et ses vrombissements électro. Plus apaisé aussi parfois, comme sur "Alone" et sa texture sonore incroyable.
On lorgne aussi du côté de Twin Peaks parfois sur "Down the road" par exemple qui vous file la chaire de poule pour peu que l’effort d’écoute soit fait du côté de l’auditeur en terme d’attention mais aussi en terme de qualité de restitution, on n’écoute pas O lake sur les hauts parleurs de son téléphone. Une des grandes qualités de ce disque c’est la texture du son. Le timbre des touches de piano, on croirait avec l’oreille collée au piano pour en capter chaque détail comme sur "The Walk".
On pense parfois au travail de Sylvain Chauveau dans le travail des textures et du "minimaliste pianistique". C’est beau et émouvant sans débauche apparente d’artifice. juste l’émotion pure d’une mélodie qui fait naître des images dans nos esprits.
Et quand l’électro prend le dessus, cela ne gâche pas le plaisir et ajoute au contraire une couche à l’émotion. Ce "Desert" s’écoute en boucle et en devient totalement hypnotique.
L’ambition de Sylvain Texier était que cela devienne sinon LA bande son de Gerry tout de moins une bande son qui aurait pu légitimement le devenir. Le pari est réussi et d’autant plus osé que c’est Arvo Part qui était aux manettes de la bande son original. Mais si on veut faire de l’alpinisme de haut vol, autant gravir de belles montagnes plutôt que de petits rochers.
Ambiteux mais pas prétentieux, Ô Lake a offert à ce film une illustration de belle qualité et surtout, surtout nous offre un album superbe. Film ou pas film.
C’est beau. Quoi d’autre ? Peut-être un defaut majeur, pas de disque physique, une déception à la hauteur du plaisir que l’on aurait d’écouter cela sur une tourne disque microsillons qui ajouterait encore de la texture et des frissons.
Un printemps décidément capricieux mais quelques jours de beau temps avant un nouveau déluge. Ici c'est un déluge de musique, spectacles ou livres qui nous attend.
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