Avec "Sujet : Chomsky", Saïda Churchill remonte sur les planches, toujours en solo.
Elle n'a rien perdu ni de sa ténacité, ni de sa pertinence, ni de son humour pour dénoncer le terrorisme d'Etat, qu'il se manifeste par la force militaire ou tout simplement, et plus insidieusement, par la politique économique internationale avec la bénédiction et la manipulation médiatiques.
Toute vérité est bonne à dire et doit être dite. Elle en appelle à la conscience politique de chacun.
Lors de notre entretien autour de votre spectacle "J'arrive" en juillet 2004 vous aviez évoqué votre prochain spectacle en indiquant qu'il aborderait un sujet de géopolitique. Nous y voilà donc avec "Sujet : Chomsky" que vous jouez actuellement au Théâtre Dejazet. Comment et pourquoi vous êtes-vous intéressé à Noam Chomsky, le linguiste, philosophe et politologue américain?
Saïda Churchill : Je l'ai découvert juste avant de commencer les représentations du spectacle "J'arrive". Et j'ai regretté de ne pas pouvoir y parler de ce que j'avais appris par l'intermédiaire de Chomsky. Je préfère le terme de "géopolitique" parce qu'on ne sait plus trop ce que veut dire le terme "politique". Il me paraît plus complet et plus précis car il englobe tous les prétextes d'économie et d'impérialisme qu'il s'agisse de commerce ou de protection des pays pauvres. La géopolitique englobe les relations politiques et économiques.
Noam Chomsky est surtout connu en France pour la polémique qui a entouré sa signature de la pétition en faveur de la liberté d'expression à l'occasion de l'affaire Faurisson et pour sa théorie de l'Etat-voyou.
Saïda Churchill : En fait il est connu mais en dehors des médias, des consommateurs suivistes , par un nombre de personnes très important mais qui n'est pas "visible". Chomsky est l'une des personnes les plus citées dans le monde entier après Einstein et Karl Marx
Comment avez-vous travaillé? Avez-vous bâti votre spectacle autour des écrits de Chomsky ou êtes-vous allée chercher chez Chomsky de la matière pour traiter de certains thèmes que vous aviez sélectionnés?
Saïda Churchill : Trouver de la matière chez Chomsky est chose aisée car il y a une découverte par page parce que les médias ne présentent pas les faits de manière objective. Chomsky rétablit l'exactitude des faits et celle-ci est une matière époustouflante et révoltante. C'est une matière à réflexion et à transposition théâtrale car la révélation de la vérité a une dimension tragique.
Sur scène, vous ne vous adressez pas directement au public en tant que Saida Churchill mais par l'intermédiaire de Léna une étudiante qui prépare une thèse sur Chomsky. Léna est-ce vous?
Saïda Churchill : Non. Par exemple je prends les choses plus à coeur qu'elle. Léna est vraiment un personnage qui s'est construit au fil de l'écriture. Je lui ai donné une manière de parler qui n'est pas la mienne et qui est celle d'une étudiante avec ses tics de langage. Je ne suis pas allée jusqu'à ponctuer ses phrases de "cool!" parce que cela fait un peu trop.
A côté de Léna, interviennent d'autres personnages par l'intermédiaire de voix off, celles de Romain Bouteille, Philippe Manesse et Clair. Cela veut-il dire que ce spectacle pourrait être joué avec plusieurs comédiens?
Saïda Churchill : Je ne pouvais pas m'adresser directement au public parce que le spectacle est basé sur la découverte de certaines choses. Dire simplement le texte ne suffisait pas. Par ailleurs, pour inclure d'autres comédiens il aurait fallu que la pièce soit plus développée théâtralement. Donc je pense que son format est un bon compromis entre le solo et la pièce. C'est un format un peu particulier dont je n'avais pas l'habitude mais je crois avoir trouvé un bon rythme et qui, en tout cas, me convient.
Vous avez créé ce spectacle au Festival d'Avignon en 2005. A-t-il évolué depuis?
Saïda Churchill : Oui. Par exemple, j'ai ajouté le monologue d'Hamlet, développé le monologue avec le poisson rouge sur la mécanique quantique. Maintenant le spectacle est bien installé mais je crois qu'il va encore un peu évoluer.
Vous jouez au Théâtre Dejazet jusqu'à quelle date?
Saïda Churchill : Jusqu'au 27 février 2006. Ensuite, comme pour mon spectacle précédent "J'arrive", je le reprendrai soit dans une autre salle, soit en tournée. Pour le moment rien n'est fixé car j'aime bien aussi qu'interviennent des rencontres.
Lors de notre précédent entretien, vous aviez également évoqué votre désir d'écrire dans un format différent, celui du roman. Ce projet a-t-il connu une concrétisation?
Saïda Churchill : Non. Mais son principe devient de plus en plus certain. Le solo sur scène donne une grande liberté sur scène. Le roman est la continuité d'un spectacle solo. J'ai lu récemment deux romans de Douglas Kennedy qui m'ont beaucoup plu car les personnages sont animés par une vraie conscience politique. "Les charmes discrets de la vie conjugale", très mauvais titre en français par analogie avec le titre d'un film connu alors que le titre original "State of union" me paraît très juste, et "Une relation dangereuse", "A relationship". Ce dernier démontre que plus on est intelligent et sensible plus on est vulnérable. Donc le conseil du chef : "Ne soyez pas sensible !" Ou alors "Soyez intelligent mais pas sensible !" |