Les éditions Perrin poursuivent leur travail de publication d’ouvrages concernant des proches d’Hitler avec ici celle des Mémoires d’Albert Kesserling. "Soldat jusqu’au dernier jour" est le titre de l’édition originale de ces Mémoires, publiés en 1953 et jamais réédités depuis.
Albert Kesselring fut pourtant l’un des meilleurs généraux de la Wehrmacht et son témoignage est donc d’un très grand intérêt pour l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale. Ce témoignage, écrit en captivité, est capital pour comprendre et connaître l’histoire de la Wehrmacht, de ses triomphes initiaux jusqu’à sa chute inéluctable.
Le récit que nous proposent les éditions Perrin est enrichi de nombreuses notes par Benoît Rondeau ainsi que d’une indispensable préface qui met à mal la vulgate héroïque d’une armée allemande étrangère aux crimes du Troisième Reich. Benoît Rondeau est un auteur que l’on suit particulièrement sur Froggy’s Delight, pour ces ouvrages de grande qualité, notamment ceux centrés sur l’histoire militaire de la Wehrmacht. Il vient aussi de sortir récemment un ouvrage passionnant, Le soldat britannique, toujours chez Perrin.
Kesselring fut chef d’Etat-Major de la Luftwaffe entre 1936 et 1938. Il fut l’un des pères de l’aviation allemande, qu’il conduit à la victoire dans les campagnes de Pologne et de France. Il commanda aussi durant la bataille d’Angleterre et l’opération Barbarossa. A la fin de l’année 1941, il bascula à la tête des armées allemandes pour l’Europe du Sud.
Jouissant d’une réputation d’invincibilité, il termina la guerre sur un front ouest (Berlin) réduit à peau de chagrin sous la pression conjointe des alliés et de l’armée rouge. Très populaire auprès de ses troupes, qui le surnommaient "Oncle Albert", il échappa de peu à la peine de mort à la libération avant d’être libéré pour raison de santé en 1952. Eric Branca nous en a parlé récemment dans son ouvrage Le roman des damnés, chroniqué sur le site.
L’ouvrage nous montre qu’il fut un stratège remarquable, notamment pour ce qui concerne la campagne d’Italie. Il nous montre un général talentueux aux limites nombreuses pour ce qui est d’autres campagnes. Ses carences sont présentes sur le plan du commandement, son optimisme démesuré lors de la campagne d’Angleterre et ses mauvais choix en URSS en sont de nombreux exemples.
L’intérêt de l’ouvrage, en plus des annotations pertinentes de Benoît Rondeau, est de pouvoir avoir le point de vue d’un des principaux acteurs de cette Seconde Guerre mondiale. Evidemment l’objectivité est rarement de mise, une fois encore bien montrée par les annotations de Benoît Rondeau. Kesselring tente par son écrit de légitimer les actions menées par les Allemands et cherche à présente la Wehrmacht comme une armée apolitique, absoute de tous les crimes commis qui seraient seulement imputables aux SS et au régime nazi. Evidemment, le contexte de rédaction est important puisque l’ouvrage est rédigé secrètement dans une cellule en Autriche.
Vous l’avez donc compris, l’ouvrage de Kesselring est un témoignage partial qui nous présente les différents fronts de la Seconde Guerre mondiale où il a officié. C’est un ouvrage qui se devait d’être critiqué, contextualisé et même corrigé pour qu’il puisse devenir un récit capital sur l’histoire militaire de la Seconde Guerre mondiale. Le travail accompli par Benoît Rondeau est de nouveau remarquable, il permet de rendre beaucoup plus clair les écrits de Kesselring pour les rendre accessibles au grand public. |