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Raphaël Meltz  (Editions Le Tripode)  août 2021

C'est l'histoire d'un narrateur, Adrien, tiraillé entre son métier alimentaire et son désir profond d'être écrivain. Pour lui, les chapitres sont alphabétiques.

C'est l'histoire de Gabriel, le grand-père d'Adrien, opérateur d'actualités, et de la façon dont il a traversé, personnellement, historiquement, le 20ème siècle. Pour lui, les chapitres sont numériques. Particularité : cette histoire est racontée par Adrien qui, en narrant l'histoire de son grand-père, réalise son rêve d'écriture. Délicate mise en abyme.

Les chapitres alphabétiques et numériques alternent, dans un procédé qui n'est pas sans rappeler Perec.

Deux absents, deux spectres, traversent également le récit.

D'abord, l'autre homme de la famille, celui qui fait le lien, biologique et intellectuel, entre Adrien et Gabriel, soit le père, figure rarement mentionnée, comme effacée par sa banalité, et qu'il est interdit de filmer. Dans cette histoire, le face-à-face, le vie à vie en quelque sorte, relie uniquement le grand-père et son petit-fils.

Ensuite, la grande sœur de Gabriel, morte à onze ans, et dont l'absence modèlera profondément la perception de la vie du grand-père. Néanmoins, cette absente est toujours présente, et pas seulement lors des décomptes de son âge de morte encore vivante dans la mémoire de son frère : au-delà de la couverture du livre, si intrigante et hypnotique, elle est aussi le souvenir apaisant de l'enfance, le symbole malheureux de l'injustice existentielle, la source d'une mélancolie douce mais perpétuelle. Paradoxalement, c'est lorsque l'image la fera revivre qu'il faudra mourir...

Voilà pour le pitch. Qui ne dit rien, en réalité, de ce livre exceptionnel.

Exceptionnel grâce à la manière si fine dont Raphaël Meltz propose, à travers les expériences incroyables de Gabriel, une histoire non du cinéma mais d'un autre versant de l'image filmée, celui des actualités cinématographiques au 20ème siècle. Une histoire vivante et sensible de l'image et de son évolution technique, à travers l’œil mécanique d'un homme passionné. Panorama brillant, fascinant, parfaitement mené.

Exceptionnel grâce à ce va-et-vient familial, intime, entre deux siècles, mais aussi deux vies, plutôt deux façons de vivre. Gabriel : agir simplement, travailler avec passion, sans trop se poser de questions, en acceptant de façon égale ce que la vie nous offre ou nous dérobe, savoir profiter du bonheur quand il arrive, même tardivement. Adrien : faire par obligation, donc se forcer à faire, subir un travail alimentaire et, nécessairement, parler finances, critiquer la façon dont va le monde, vouloir dire sans jamais oser dire, alterner entre doute existentiel (exigeant quelques rasades de vin pour oublier l'absence d'amour) et mépris souverain pour ce qui nous entoure. Inutile de vous dire lequel est le plus heureux dans l'histoire – dans son histoire.

Exceptionnel parce que Gabriel et Adrien sont l'incarnation de deux temporalités de l'image : au 20ème siècle, Gabriel apprivoise spontanément l'image analogique, qu'on impressionne, le one shot décisif, métré et qui ne pardonne pas, qu'on stocke sur bobines dans un atelier ; au 21ème siècle, Adrien écrit machinalement pige sur pige à propos de l'image numérique, qu'on démultiplie à l'infini, que l'on consomme, qu'on ne trie plus, qu'on ne tire plus, qu'on ne stocke plus – hormis dans un espace unique chaque jour plus obsolète que la veille –, pour oublier enfin.

Exceptionnel parce que ces deux histoires ne peuvent qu'interroger, forcément dans le récit alphabétique, contemporain donc, grâce à deux personnages fugaces mais sensés que sont Antonio et Albert (autres prénoms en A... Amis d'Adrien... Vrais amis ou voix intérieures ?), respectivement la mort du cinéma (le cinéma est-il mort ? Peut-on dater sa mort, par une invention, la sortie d'un film, un trait de Godard ?) et la mort de la littérature (le suicide d'un écrivain ne dit-il pas l'impossibilité d'être heureux en littérature ? Toute tentative d'écriture ne verse-t-elle pas à un moment donné dans l'à quoi bon ?), sujets nécessaires en dépit de leur aura tragique, profondément contemporains, délicatement abordés dans le récit sans être abusivement philosophés...

Exceptionnel, enfin, par la douceur stylistique qu'il propose : 24 fois la vérité est un livre brillant, cultivé, intelligent, qui ne tombe jamais dans l'arrogance ou la leçon. Le ton est souvent mélancolique, rarement amer, parfois poétique, ironique souvent. En somme, c'est un livre, pour répondre au cliché du genre, agréable à lire...

Merci infiniment aux éditions du Tripode de permettre d'aussi belles lectures et d'aussi nourrissantes découvertes !

 

A lire sur Froggy's Delight :
La chronique de "Histoire politique de la roue" du même auteur


Sophie Hébert         
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# 14 avril 2024 : En avril, de la culture tu suivras le fil

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"Macbeth" au Théâtre Essaion
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