Spectacle clownesque conçu par Jean-François Maurier et Rafael Batonnet, mise en scène de Jean-François Maurier, avec Rafael Batonnet et Michaël Périé.
Eloquente, l'affiche qui renvoie au jeu enfantin de la barbichette. Excitant le sous-titre "Pourquoi faire simple quand on peut faire inutile" qui rappelle les grandes maximes shadokiennes. Et qui sont "Les Anarchistes" ? Proposé par la Compagnie Le Klou dédiée au travail du clown dont le précédent opus "On s'en fout qu'ça soit beau !" avait ravi tant le public que la critique, ce spectacle tiendra-t-il ces alléchants prémices d'autant qu'il est annoncé comme placé sous l'égide de Samuel Beckett ? En effet, il a été conçu par Jean-François Maurier et Rafael Batonnet inspirés par la litanie "Essayer encore. Rater encore. Rater mieux" irriguant le texte "Cap au pire" dans lequel l'auteur explore le processus créatif et décrit sa terrifiante et douloureuse expérimentation de la concision extrême du langage. Tout commence par un tonitruant prologue musical avec l'ouverture du poème symphonique "Ainsi parlait Zarathoustra" de Richard Strauss inspiré de l'oeuvre éponyme du philosophe Friedrich Nietzsche, qui introduit l'immersion dans un déroutant monde parallèle, celui de tous les impossibles et du surhomme nietzschéen.
Puis une obscurité trouée par un halo lumineux éclairant un banc de fortune, et n'attendant pas - ou plus - Godot, deux hommes enguenillés aux prises avec de dérisoires actions dont les plus élémentaires qui n'aboutissent jamais comme s'ils s'avéraient imperméable à tout apprentissage, et donc pour qui tout s'avère problématique. Dans de loufoques tribulations, ils vont tenter de communiquer de manière non-verbale, leur langage étant réduit à des onomatopées, des borborygmes et des sons bizarres, parfois à quelques dialogues avortés, de s'entraider et même, mettant en forme balbutiante leurs paroles, envisager une entreprise commune. Et la machine va s'emballer sans que rien ne puisse entraver leur détermination car ce sont des clowns, le clown entendu comme vestige noble de l'homme archaïque, qui, ignorants le concept d'échec, auront, et quoi qu'il en côute, essayé en appliquant la devise du Prince d'Orange "Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer". Jean-François Maurier orchestre parfaitement ce maelstromique éloge du ratage illustré sous forme du duo de clowns en l'espèce revisité, et ce à l'aune d'une mise en scène millimétrée et d'une direction d'acteur axée sur la dramaturgie du corps, et il pilote efficacement des interprètes aux émérites talents. Comédiens formés à plusieurs disciplines circassiennes, clowns, équilibristes et jongleurs, mais également mimes et manipulateurs d'objets, Rafel Batonnet et Michaël Périé réalisent une époustouflante prestation aussi cocasse que burlesque sur une partition comportant en sus de belles bulles poétiques.
Et le spectateur passe par toutes les couleurs de l'émotion, de l'étonnement à l'éberluement pour leurs prouesses physiques et du rire à la compassion pour leur incarnation. Une superbe proposition - et démonstration - au fond et en la forme. |