C’est toujours sympa de découvrir une nouvelle auteure, même si recherches faites on se rend compte qu’elle en est déjà à son septième ouvrage publié. Bernardine Evaristo ne devrait pas m’être inconnue, elle qui fut en 2019 la première lauréate noire du prestigieux Boker Prize avec Fille, femme, autre, partagé avec Margaret Atwood.
C’est donc grâce aux éditions Globe que je me suis lancé dans la lecture de cette auteure d’origine nigériane qui vient de publier Mr. Loverman, une très belle histoire d’amour qui explore la sexualité illicite, portée par une superbe écriture.
À soixante-quatorze ans, Barrington Jedidiah Walker est plus que jamais le séducteur que Carmel a connu à Antigua, avant d'émigrer à Londres avec lui. Dandy, noceur, artiste de la conversation, ce gentleman des Caraïbes est un autodidacte. Il cite William Shakespeare et James Baldwin et partage ses idées (nombreuses) sur la politique, l'art et ses racines familiales. Carmel et Barry sont mariés depuis un demi-siècle et Barry est toujours très épris de son amour de jeunesse. Mais ce n'est pas Carmel. Le corps musclé de Morris Courtney de la Roux rend Barry fou depuis soixante ans. Son âme sœur devine sa moindre pensée, sa bouche termine ses phrases. Toute sa vie, Morris a supplié Barry de venir vivre avec lui, en vain. Pourquoi ? Crainte de ne pas avoir la force d'affronter les conséquences sociales d'un coming out si tardif ? Respect pour une épouse pieuse qui le croit coureur de jupons ?
À l'aube de sa vie, Barry sent que s'apprête à passer sa dernière chance d'être enfin heureux… De cette histoire d’un homosexuel prisonnier d’un mariage malheureux, André Gide, Marguerite Yourcenar et Diane de Margerie avaient tiré des drames.
L’ouvrage s’avère être une très belle lecture pour tout un tas de (bonnes) raisons. Tout d’abord, il y a ce personnage haut en couleurs de Barry qui illumine le livre autour d’une communauté venant des caraïbes pleine de couleurs aussi. Et puis, il y a le ton du livre, l’écriture de l’auteur qui manie l’humour avec précision et talent. Un humour qui vient donner de la légèreté à des sujets de société forts comme l’homosexualité et la position sociale des homosexuels parfois difficiles.
Barry et son histoire, son coming out tardif témoigne de ces réalités, lui homme noir ouvrier immigré a construit son ascension sociale sur son travail évidemment mais aussi sur sa masculinité, ce que nous montre bien l’ouvrage. Une femme, des enfants, une vie confortable, une virilité telle que sa femme est persuadée que son mari passe son temps à courir après d’autres femmes.
L’ouvrage, qui va revenir dans le temps pour nous raconter la vie de Barry, son adolescence, son mariage aussi, le point de vue de sa femme aussi, va nous permettre de comprendre pourquoi Barry va mettre tant de temps à avouer son homosexualité. Pour bien voir au final, comment nos sociétés (ici la société anglaise) ont pu mettre beaucoup de temps à accepter l’homosexualité.
Drôle dans son écriture et sérieux dans les sujets qu’il aborde, Mr. Loverman est l’histoire d’un homme qui se libère et assume sur le tard une sexualité après avoir mené deux vies simultanées. Un homme rendu attachant sous la plume de Bernardine Evaristo que l’on ne peut oublier.
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