Si cette histoire n’était pas vraie, cette enquête serait le meilleur polar de l’année. C’est ce qui ressort de la lecture de cet ouvrage écrit à quatre mains de maître, celles de Brendan Kemmet et de Stéphane Sellami. Grand reporter au Parisien puis au Point, Stéphane Sellami est responsable de la cellule enquête au sein du journal l’Equipe. Brendan Kemmet est lui journaliste indépendant, auteur de nombreux scoops et aussi auteur de livre autour du grand banditisme, L'évasion du siècle.
Les deux compères, au travers de cet ouvrage, nous font découvrir les coulisses d’une affaire hors norme, aux multiples rebondissements, et mettent en lumière les réussites mais aussi les échecs d’une police judiciaire parfois un peu trop à l’ancienne. Une enquête qui a vu son dénouement en septembre dernier avec le suicide de François Vérove, dans le sud de la France, qui savait qu’il allait rapidement être confondu pour ses crimes, débutés trente ans plus tot.
Au cœur de cette enquête se trouve la juge d’instruction Nathalie Turquey, connue pour avoir travaillé sur l’affaire Bertrand Cantat en Lituanie. A l’été 2014, en prenant ses nouvelles fonctions à Paris, elle découvre dans une armoire de son cabinet une pile de volumes poussiéreux dont la tranche laisse apparaître un nom qui va la hanter. Ce nom, c’est celui de Cécile Bloch, une fillette de onze ans, tuée un matin de mai 1986, au troisième sous-sol glauque d’un immeuble du 19ème arrondissement à Paris.
La magistrate décide alors de se plonger dans ce cold case vieux de plus de trente ans, auquel s’ajoutent deux autres meurtres et trois viols commis sur des mineurs. Un maigre indice apparaît dans le dossier, disant que le tueur aurait la peau du visage "grêlée".
En reprenant l’intégralité de la procédure, Nathalie Turquey acquiert la certitude que le coupable est un membre des forces de l’ordre. Une piste que les enquêteurs de la brigade criminelle du 36 quai des Orfèvres rechignent à suivre.
Alors la juge se lance dans des investigations titanesques qui l’amènent à cibler 750 gendarmes passés par la prestigieuse Garde Républicaine. Inlassablement, elle multiplie les déplacements et les auditions aux quatre coins de la France afin de confondre ce meurtrier insaisissable. Les suites de son enquête pourraient aboutir à la mise au jour d’un des plus terribles tueurs en série français et d’une trentaine de crimes.
L’ouvrage est passionnant, se lit comme un polar, se dévore même et nous montre avec précision la pugnacité de cette juge d’instruction qui a voué une grande partie de son temps à cette affaire non résolue. Ils reviennent quarante ans en arrière en retraçant le parcours du meurtrier (à la fin de l’ouvrage) qui a profité des atermoiements de la police et en nous montrant aussi les nombreux progrès dans la police scientifique qui ont pu faire avancer l’enquête.
Acharnée, méticuleuse, la magistrate relève le moindre détail qui aurait pu échapper aux enquêteurs. Elle reprend donc des investigations et met en lumière certains oublis ou certains manquements. Elle va souhaiter réauditionner des victimes plus de quinze ans après les faits jusqu'à l’appel du commissariat de Montpellier lui annonçant le suicide du grêlé. Son travail n’est pas terminé puisque la magistrate pense qu’il a commis d’autres méfaits.
La traque du grêlé est un très bon ouvrage qui place le lecteur au cœur du plus vieux cold case de la police parisienne. Il est le fruit d’un excellent travail journalistique de la part des deux auteurs et pourrait à mon avis faire un très bon film. |