Zeno est un excentrique à la soif d’aventure intarissable, en perpétuel mouvement. Ana est une femme ambitieuse et passionnée, dévouée à son travail de maire et attachée aux siens. Malgré Tout.

Malgré leurs vies si différentes, malgré la distance, malgré leurs choix, leurs visions divergentes, Ana et Zeno s’aiment. Sous une pluie battante, après avoir vécu tout ce qu’ils avaient à vivre l’un sans l’autre, ils sont enfin réunis et c’est lors de leurs retrouvailles que nous remontons le fil de leur histoire jusqu’au moment de leur toute première rencontre, presque quarante ans plus tôt.

Pour le premier roman graphique qu’il écrit et illustre entièrement seul après des années de collaboration avec le scénariste Zidrou (Lydie, La Mondaine, Les Beaux Etés), Jordi Lafebre signe Malgré tout chez Dargaud en 2020 pour lequel il obtient le prix Uderzo du meilleur album en 2021 et croyez-moi, ce prix est amplement mérité.

Il s’agit d’une histoire délicate et mouvementée, racontée à rebours des retrouvailles jusqu’au premier regard. Habitée d’une petite galerie de personnage attachants et drôles, cette romance a quelque chose de délicieusement humain dans tout ce que ça implique de beau, de complexe et d’imparfait.

Jordi Lafebre nous offre un ouvrage très joliment illustré qui paraît aller au-delà des simples pages mais nous embarque à la manière d’un film d’animation tant il y a de dynamisme dans ses traits.

Malgré Tout a quelque chose d’éminemment réjouissant. C’est un récit bouillonnant d’une joie sourde. Il raconte, non pas un amour, mais bien cet amour métamorphe qui pave une vie. Celui qui pousse deux personnes à s’aimer malgré tout, mais aussi celui qui lie aux autres, celui qui est moteur, qui pousse et passionne, exaltant, réconfortant, grisant ou simplement présent.

J’ai aimé cette lecture bien plus que je ne l’aurais imaginé, au point de tourner la dernière page un sourire béat aux lèvres et les yeux baignés de larmes de joie.

Plus encore que les personnages ou leur intrigue auxquels je me suis beaucoup attachée, j’ai adoré l’élan donné à ce récit, le rythme vif et la forme particulière qu’il prend et ses dernières pages qui nous entraînent à en perdre haleine.

Il peut simplement s’agir d’une histoire racontée à l’envers, comme des souvenirs qui remontent petit à petit alors que nos deux protagonistes discutent et rattrapent le temps perdu, ou d’un véritable retour dans le temps, voire d’une boucle temporelle sans réel début ni fin, une sorte de bulle suspendue entre présent, passé et futur dans laquelle le temps deviendrait flexible.

Dans un cas comme dans l’autre, c’est à cette dernière hypothèse que ressemble à mes yeux cette magnifique œuvre de Jordi Lafebre. Un moment suspendu qui peut durer toute une vie. Une grande simplicité, bien réaliste, mais aussi un univers de possibilités.