Voilà la une bien belle idée que celle des éditions Passés Composés que celle de sortir des publications d’ouvrages d’histoire classiques (mais toujours passionnants) pour nous proposer un ouvrage portant sur le dandysme au travers d’un des plus grands musiciens français, un certain Serge Gainsbourg.
Aux commandes de ce très bel ouvrage, une agrégée de lettres, Marie-Christine Natta, auteure d’une thèse et de nombreux articles sur le dandysme. Ses biographies d’Eugène Delacroix et de Baudelaire sont aujourd’hui des références littéraires. Nul doute que son ouvrage portant sur Serge Gainsbourg, qui vient de paraitre aux éditions Passés Composés devrait le devenir aussi.
Une gestuelle délicate, une intonation ironique, un mouvement de tête hautain, des Repetto blanches portées pieds nus, autant de détails qui valent à Serge Gainsbourg le titre mérité de dandy, dont on l’honore depuis le début de sa carrière jusqu’à la récente commémoration des trente ans de sa disparition.
Il faut néanmoins aller au-delà du paraître de Gainsbourg, pour en révéler toute la profondeur. Par son orgueil, son obsessionnel souci du self-control, son goût pour l’artifice et la sophistication, son culte du beau et de l’originalité, le chanteur a toute sa place dans la famille sans chaleur des dandys du XIXe siècle, ceux qu’il préfère.
En peuplant sa maison d’objets superflus, en achetant une Rolls qu’il laisse au garage, en perdant chaque matin deux ou trois heures à ne rien faire, Gainsbourg se laisse toucher par l’inutile qu’il appelle "la grâce des dieux". Dans ce livre novateur et lumineux, Marie-Christine Natta montre que le dandysme est pour Gainsbourg bien davantage qu’un bel ornement : comme chez Barbey d’Aurevilly, Baudelaire et Oscar Wilde, il fonde sa personnalité, son esthétique et sa morale.
Dandy est un titre que revendiquait Gainsbourg. Il existe de nombreux ouvrages le concernant, celui-là s’intéresse à lui sous un angle nouveau, celui du dandysme et c’est ce qui fit la qualité et l’originalité de ce livre.
Dandy accompli, l’ouvrage nous montre comment Gainsbourg étend le culte du beau à chaque élément de sa vie, qu’il soumet à sa loi esthétique. L’endroit où il cultive le beau et l’artifice est sa maison de la rue de Verneuil, une maison musée qui fait l’objet d’un excellent chapitre.
L’ouvrage revient aussi sur sa timidité maladive liée à un inguérissable complexe de sa laideur. On voit aussi comment l’artiste tient son public à distance en usant de la provocation, le grand moteur de sa vie et de sa création.
L’ouvrage est construit autour d’un peu plus de vingt chapitres. J’ai fait le choix de lire ces chapitres dans l’ordre que je voulais selon l’intérêt et la curiosité que je portais à leurs titres. Evidemment, certains m’ont intéressé plus que d’autres. C’est le cas de ceux portant sur les interdits de l’artiste, sur Melody Nelson, son plus bel album pour moi ainsi que celui sur l’album Aux armes et caetera, avec notamment le très connu concert de Strasbourg.
Evidemment, tous les autres chapitres ne manquent pas d’intérêt, ils témoignent d’un travail de recherche conséquent de l’auteure (il n'y a qu’à voir la conséquente bibliographie et les nombreuses notes de bas de pages à la fin du livre) et sont accessibles à tous, que l’on soit fan de l’artiste ou curieux de mieux comprendre le personnage et l’homme.
Alors voilà, cet ouvrage a l’immense mérite de nous montrer la richesse de la personnalité de Gainsbourg. Il est aussi excellent sur ce qui concerne l’analyse de l’ouvre de l’artiste. Il siègera donc dignement au milieu de mes nombreux ouvrages d’histoire. |